Nous vivons l’époque du politiquement correct. Et nous avons bien raison de nous moquer de ce terme. Car il est vrai qu’il est grotesque. Nous marchons seul dans la rue et vers nous se dirige un Noir. C’est ce que nous nous disons : Tiens, un Noir vient vers nous. Mais, si nous ne marchions pas seul dans la rue, mais en compagnie de quelqu’un, nous ne lui aurions pas dit « T’as vu l’autre Noir ? » Encore moins l’aurions nous écrit. Non, nous aurions employé un autre terme qui après les États-Unis ces dernières années s’est aussi installé en Europe ― depuis qu’est au pouvoir le politiquement correct ; nous aurions dit ou écrit : un Africain. Ou, s’il était évident que le passant est un Noir américain : Un Afro-américain est passé. Ou, s’il est pauvre et propose aux passants des parapluies bon marché ou des lunettes de soleil, sans aucun doute aurions-nous employé un des termes du politiquement correct néo-européen. Par exemple, nous aurions dit ou écrit « l’immigrant illégal de l’Afrique ». Au cas où le Noir serait assis sur le trottoir, aurait un bongo et jouerait de la musique, cela nous aurait été le plus facile. À notre compagnon de route, nous aurions dit : « C’est que j’aime vraiment la musique africaine ».
Notre première pensée et l’observation évidente qu’au centre d’Udine ou Ljubljana joue un Noir ― les étudiants « non-alignés » africains de l’époque ont disparu de la Croatie ― nous l’aurions simplement déplacées dans la verbalisation sur un tout autre niveau auxiliaire : tout comme s’il s’agissait du simple fait qu’il nous a fait penser à un grand musicien tel que Ray Charles ou Miriam Makebe. Au lieu du Noir nous nous serions mis à parler de la musique. Continuant la route, ainsi se serait, entre nous en tant qu’Eurasiates, développée une conversation sur la musique. Et cela aurait été génial ! Car nous aurions sûrement mentionné la grande Nina Simone, puis, n’est-ce pas, vu qu’on évoque la bonne musique, aussi le violoncelliste Yo Yo Maa, puis, alors que nous continuons à nous promener dans le centre-ville, aurait surgit une vitrine avec des CD’s. Nous aurions jeté un coup d’œil, aurions fait un commentaire ― par exemple sur le prix indécemment élevé du nouvel album de Paolo Conte ― et tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes. La manœuvre avec Ray Charles et Nina Simone et finalement la bouée de Paolo Conte nous ont sauvés de ce mot déplaisant, le Noir, et, soyons honnêtes, nous avons résolu avec succès le fait que l’autre Noir paraisse dans la rue. Quelqu’un, quelque chose dont nous ne pouvions parler.
Ne me méprenez pas. Je ne suis pas de ces conservateurs modernes, racistes et membres de parti de droite qui n’aiment pas le politiquement correct vu qu’en lui cohabitent la tolérance, l’héritage du Siècle des Lumières et l’humanisme. Quand je vois, entends et lis ces xénophobes modernes, alors la nouvelle culture du politiquement correct m’est presque chère. Nous l’avons mérité. C’est-à-dire qu’étant enfant je regardais les journaux cinématographiques dans lesquels étaient montré des jeunes Noirs aux États-Unis d’Amérique qui pour se frayer un chemin jusqu’à l’Université et écouter les cours malgré une foule furieuse, devaient être protégés par des cordons de membres fortement armées de la Garde nationale. Donc non de la police mais de l’armée. D’ailleurs, je suis un grand garçon et jusqu’à mes quarante ans j’ai vécu dans le pays dans lequel la dénomination nationale de quasiment tous les peuples y habitant, pouvait être prononcée dans le langage des autres aussi comme une insulte.
De l’angle du politiquement correct, moi ce qui m’intéresse ce sont les collectifs en tant que patients psychiatriques. Les collectifs qui ne peuvent ― et ne le feront jamais ― dire Noir, Balkanique, Tzigane ou Boche, alors qu’ils le pensent. Et non seulement ce qu’ils pensent, ils ne peuvent ou ne veulent pas le dire, mais ces mots et idées ils les refoulent, ils souffrent avec. Et ils n’en souffrent pas seulement en tant que mots, clichés, discours hérités. Les patients collectifs ne peuvent avouer, souvent même à eux-mêmes, qu’en eux les Noirs, les Japonais, les Roms et Balkaniques provoquent des peurs et l’insécurité. A cause d’eux, en tant que phénomènes et en tant que mots ― pour user de la métaphore ― ils dorment mal. Et quelqu’un qui refoule, a des peurs, ne comprend pas, dort mal et ne peut se l’expliquer à soi-même, pas plus que se confesser à quelqu’un, donc il en pâtit et est désemparé, est per definitionem un patient psychiatrique.
La quasi culture du politiquement correct, avec laquelle j’ai débuté n’est qu’une des inhibitions modernes qui ne font qu’empirer son état.
Vu que dans ce domaine je suis dilettante, mon métier est éditeur de livres et non pas sociologue ou anthropologue, la Petite psychiatrie européenne, moi je l’ai réduite à ce que je connais à peu près et ce qui me concerne directement, donc aux Balkans et à l’Europe, et vu que je suis techniquement incompétent, les peurs je les ai immédiatement ― systématisées.
J’ai ainsi, concernant l’Europe Occidentale, divisé les peurs en trois groupes. La première étant celle des peurs les plus modernes.
Avant tout et ce qui est fondamental, c’est que l’Europe et les Balkans sont tout ce que vous voulez sauf une histoire d’amour. Les Carpates, le Delta du Danube, la Transylvanie, les mosquées, les prêtres militants, les types dangereux dans les montagnes albanaises ― de Karl May jusqu’à Karl Marx et le comte von Bismarck, nous sommes la représentation qui donne des sueurs froides : peuple au rebut, baril de poudre, tueurs de monarques. Nous sommes les protagonistes des visions écrasantes et des cauchemars. Aucune croisière sur la mer bleu cristal entre Rijeka et Igumenica, aucun rafting au Monténégro, il n’existe pas de telle excursion culturelle dans le vieux Sarajevo qui chasserait le mélange de malaise et de refus que causent les Balkans. Notre énorme péninsule se tient calme et menaçante de l’autre côté des Alpes, à l’autre bout effleurant des contrées encore plus terrifiantes : la Turquie, la Petite Asie, la mer que l’on dit Noire et qui de l’autre côté expie sur des steppes russes indéfinies, où habitent les Cosaques et Arméniens et les villes portent des noms exotiques tel que Bakou, Smyrna, Trébizonde. Aux confins des Balkans débute le chemin de fer de Bagdad et des routes de caravanes pour Téhéran et l’Inde.
Nous ici, nous devons nous résigner que l’Europe ait de bonnes et mauvaises péninsules. Des Balkans, les gens préfèrent détourner leurs pensées et réfléchir aux visions avenantes : la péninsule italienne où fleurissent citrons et oranges, et ibérique, où, sur la place ensoleillée tout un chacun se vit en tant qu’Hemingway, à la chemise ouverte et le whisky à la main. Alors que les Balkans sont une mauvaise péninsule, l’Europe en a peur.
Et cela sur un large éventail et avec les possibilités de plus en plus restreintes de se sauver soi-même grâce aux mots : d’autant plus que la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union européenne à leur insu, les effrayants fantômes des Balkans ne sont plus adaptés aux discours politiques, publics et opérationnelles (le baril du poudre, le rebut etc.). Car maintenant que les Balkanais siègent au conseil européen, ils sont aussi le gouvernement européen. Et personne ne peut se défouler comme l’avait fait la rédactrice en chef de l’époque du Die Zeit, quand durant la guerre en ex-Yougoslavie, elle écrivit qu’ils n’ont qu’à se taper entre eux, cela ne nous concerne pas. Pour le troisième millénaire, les peurs demeurent indicibles, au bord d’une authentique névrose.
La crainte la plus actuelle est celle des Balkans pauvres. C’est un sac sans fond, l’arrière-cour abandonnée dont la restauration dépasse chaque imagination temporelle et financière. Là-bas, les gens se séparent de leurs reins en parfait état pour quelques milliers d’euros ; là-bas, on acquiert dans les rues des enfants pour adoption, on trouve des ouvriers tout aussi bon marché pour le travail au noir, c’est de là-bas que sont les filles et les mères taciturnes pour les bordels à Rome, Frankfurt et Bruxelles. La nuit, dans le lit, la société frappée par le vieillissement est couverte de sueur : tous ceux-là ne vont-ils pas se diriger à la fin tout simplement vers nous ? Un jour prochain, tous ces hommes bruns qui se taisent et que le dimanche après-midi nous voyons autour de la gare, ne vont-ils pas se rabattre sur nos filles et causer la ruine de la pelouse verte et des comptes bancaires ? Cette peur des Balkans, Balkans entre guillemets ou sans ― est tout sauf une peur historique. Elle est la partie intégrante de la modernité de l’Europe de l’ouest actuelle.
Tout à fait contemporaine est aussi une autre et nouvelle peur des Balkans ― la péninsule que l’Europe occidentale d’habitude visite de la manière la plus sécurisée quand elle vient en divisions blindées. Est-ce que, se demande-t-elle, les institutions politiques fragiles et finement accordées, autant que les règlementations (de l’Union européenne), seront vraiment en mesure de maîtriser les Balkans ? Que peuvent nos douillets experts juridiques à Bruxelles et à Strasbourg contre ces frénétiques députés des Balkans, avec leur nationalisme mousseux, qu’est-ce qu’ils peuvent contre les mafieux en smoking, comment en venir au bout des diplomates balkaniques qui balbutient en anglais et sourient ― en fait ne voulant rien d’autre que nous arracher le portefeuille, les cartes de crédits, la montre et les clef de la voiture ? Cette crainte l’Europe ne l’exprime que timidement, mais le fait tout de même. Nous tombons sur l’expression « noyau de l’Europe », en allemand das Kerneuropa. Ceci n’a qu’une seule signification. Les uns sont le noyau, der Kern, les autres sont la masse visqueuse en dehors. « Le noyau de l’Europe » ne sous-entend pas la tutelle politique ou l’Europe de première et de deuxième classe. Le noyau est le fantasme de la crainte et de la défense. Noyau veut dire fermeté, quelque chose de dur, d’imperméable. Hors du noyau c’est l’océan de l’instabilité et des dangers, c’est là que sont les lionnes, les léopards, les Slaves et les caméléons avec leurs étranges royaumes et minuscules états dont personne ne serait capable de retenir les noms : Lituanie, Lettonie, Serbie, Slavonie, Slovénie, Slovaquie, Croatie, Moldavie, Monténégro. Monténégro, la Montagne Noire ! Ceci, franchement, n’exprime-t-il pas tout ? La psyché et le cerveau de l’Europe sont sous un stress des plus sérieux ― dès qu’avait débuté la guerre en ex-Yougoslavie et que les gens se sont penchés au-dessus de la carte ethnique et politique des Balkans, ça a rugi à travers l’Europe : Mais on dirait une peau du léopard ! Puis encore, mais ce sont quoi ces langues qu’on parle là-bas ? C’est quoi toutes ces confessions ? C’est quoi ces alliances ? Qui est l’ami de qui là-bas ? Qui en est l’ennemi ? Le cerveau s’est senti surbooké. Le même, nota bene, qui sans aucun problème décode le chaos des offres aux guichets d’agence last minute à l’aéroport de Frankfurt. Djerba, Chihuahua, les Maldives, le Yemen du Sud, Albuquerque, Aswan, le chaos des billets multicolores avec ces inscriptions, horaires et prix lui est intelligible et logique.
En revanche la péninsule balkanique ― le cerveau bascule sur pause : l’intellect est en alerte, automatiquement il éteint la majorité de ses fonctions, la langue bafoue et résiste. Le dérèglement psychomoteur est la fonction de la panique ― c’est que la péninsule Balkanique est beaucoup, beaucoup trop près. Formellement, géographiquement trop proche, presque ici ― et de suite disparaît le bon ordre et la clarté des grandes langues mondiales ― « mondiales », s’il vous plaît. Juste derrière les Alpes les gens marmottent ces prières incompréhensibles, après Graz (pardon, après la Sutla), au milieu du champ se trouve la fin brusque des plantations hollandaises de tulipes, des pelouses taillées avec des piscines bleues, là s’arrête le monde des brioches confectionnées à la confiture et les contrats tarifaires justes. Après trois siècles de guerres permanentes (1618-1945) l’Européen de l’ouest désire la clarté, l’ordre et la certitude : les cimetières de la Première et de la Deuxième guerre mondiale taillés avec les soins de l’horticulture, les assurances Allianz, l’OTAN et l’euro. Non sans raison. Avec les peurs balkaniques ― les Balkans sont de plus en plus près ! ― l’Europe Occidentale continue à souffrir du syndrome du stress post-traumatique. Le rejet moderne des Balkans hors de la conscience est l’autre face de la pièce pour l’uniformité d’une vie hospitalière et le rythme monotone de trois repas par jour ainsi que l’interdiction de klaxonner dans le périmètre de l’hôpital. Les Balkans empêchent l’effort chronique de refoulement. De même que refoulent les enfants qui allaient en cour préparatoire en première classe de l’école primaire à travers les ruines de Cologne, Rotterdam et Coventry, c’est-à-dire dans le Berlin Est où pendant presque quarante ans ils étaient obligés d’embrasser et d’admirer les canons de fusils des Russes qui les occupaient. Le rejet de l’image intérieur chaotique des Balkans est compréhensible. Les Balkans ne sont pas uniquement refoulé, mais aussi le potentiel deuxième moi. L’Europe espère que son deuxième moi est son ancien moi. Traumatiquement déréglée par ce qu’elle se faisait à elle-même et aux autres même pas une génération auparavant, l’Europe historicise et circonscrit son deuxième moi.
L’Europe Occidentale souffre d’un autre profond problème psychique, son histoire de la chambre à coucher en tant que menace quasiment anthropologique. Elle est confrontée à sa propre stérilité reproductive. Les sociétés qui ne peuvent plus se permettre des guerres dans lesquelles mourraient leurs jeunes membres en âges de se reproduire, les sociétés qui attendent les chambres désertiques dans des maisons de retraite sont profondément perturbées par le voisinage où avec la vie et la mort on joue va banque, le voisinage où les gens baisent et violent, où la pauvreté n’exclut pas la biologie, où vivent encore les patriarches, les types machos et les femmes muettes qui enfantent. Et où au jour d’aujourd’hui n’existent pas que des familles, mais aussi des clans. Les formations étranges telles que le Vlaam Block et le Vlaam Belang, le Front National de Le Pen et les partis de Heider dont plus personne ne connait le nom, en réaction, sont les manifestations collectives de cette xénophobie high tech et désemparée tout comme de la peur de sa propre fin. Elles, à la marge de la société qui ne fait pas d’enfant et pense alors qu’elle se meurt, en plus de ses racines paléoracistes, exprime aussi la toute nouvelle ― anthropologique ― crise de la modernité. Les sociétés qui ne peuvent s’expliquer ce qui leur arrive au lit, psychotiquement échangent les exilés bosniaques avec les immigrants, voyant dans les ouvriers étrangers bruns les futurs maris de leurs filles blondes et douces petites-filles, et dans la muette voisine albanaise opprimée que le mari force à se couvrir de torchons et lui interdire de parler à qui que ce soit, l’Européen d’occident voit une effarante machine à accoucher. Chaque année elle enfante un enfant !
Finalement, l’Europe occidentale ne peut s’en sortir spirituellement avec son propre projet rationnel d’un continent qu’elle dominerait. L’ancien moi était courageux et a mis en dépôt un de ses projets idéaux dans des paragraphes décoratifs de diverses chartes sur la nécessité de l’unification européenne : depuis le contrat de la Monnaie unique, à travers ceux du marché commun, jusqu’à toutes sortes d’accord de Schengen. L’ancien moi a formulé une utopie ― mais l’utopie, le non-territoire est maintenant ici. Non-territoire les Balkans par exemple. La suppression des frontières a mené jusqu’à l’infinité. On ne peut plus embrasser du regard les contrées de cette Europe, même pas dans le sens géographique. Elle s’arrête, d’une manière indéfinie, quelque part dans les champs de Pologne de l’est, et là-bas, elle coule sans aucune démarcation dans les étendues de l’Ukraine. L’Européen vit dans un espace qui disparaît dans l’infini. Le malheureux moi danois sait qu’il est très, très grand, et que lui est minuscule et que là-bas, quelque part où s’arrête l’Europe vivent les gens qui ressemblent terriblement à ces Polonais, Slovaques, Lituaniens. Dans la psyché se dérègle le sens de l’équilibre, l’identité n’est plus sûre : Qui suis-je ? Où suis-je ? Est-ce que j’y appartiens ? J’appartiens à quoi ? Le citoyen européen, l’ego européen, quand il voyage en voiture ne peut plus voir un signe ou un indice qu’ici s’arrête le Luxembourg et commence la Belgique, ne peut se souvenir où jadis étaient les points de contrôles d’identité entre le Tyrol de l’est et celui du sud, ne sait si Trient, et jusqu’à quand était Autrichien, ou encore si Trento est depuis toujours ou juste depuis avant-hier italien, des régions entières sont comme une Pologne plate, en plus couvertes de tableaux bilingues et termes à double sens. Tous les garçons européens parlent à notre ego touristique dans sa propre langue, très minutieusement par exemple de la glace ou des gâteaux ― et d’où sont ces garçons, ça c’est un mystère à part, cette question ne peut même plus être posée. L’ego européen savait jusqu’à hier qui il est et ce qu’il est, et là il titube au milieu de la masse dans l’aéroport où on le pousse dans des troupeaux et sans un mots à travers des gangways séparés encore seulement entre EU et Non EU, il n’y a même plus de douaniers, et s’il y en a, ils somnolent adossés aux murs, et ils regardent dans le vide, ils s’ennuient dans leurs propres absurdités. A chaque angle t’attendent ces mêmes automates métalliques et en appuyant sur le bouton, tu n’auras droit qu’à ce maudit, monotone euro uniforme qui te revient à toi aussi. Sommes-nous à Barcelone ou Budapest, à Ljubljana ou à Trieste, ou déjà à Belgrade, Athènes, Zagreb ? Je n’en sais rien, se dit le moi européen. Peut-être que quelqu’un de notre groupe le sait. Celui de devant tu ne peux le lui demander. Sur le siège arrière du taxi de l’aéroport jusqu’au centre, tu revois toujours les mêmes profils de chauffeurs : Turcs, Egyptiens, Algériens ― ou sommes-nous déjà dans le sud, alors ce serait déjà les types locaux balkaniques ?
L’ego européen est incertain, la dose de l’air pur de la liberté lui fait tourner la tête et il titube. Se tait névrotiquement et déambule à travers le continent. Il marche sur sa propre utopie ― et les Balkans déambulent vers lui. Inévitablement. Ses yeux étincellent, car lui a toujours des frontières, des églises, des identités, il sait ce qu’il déteste, ce qu’il aime, au Noir il dit Noir, parjure les étrangers et chante avec eux si ça lui chante ― oui, lui, le Balkan se sent bien comme dans un rêve, plongé dans la subconscience.
Traduit par Yves-Alexandre Tripković