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Photo du rédacteurNenad Popović

Handke ou Adieu Voltaire










Maintenant que Peter Handke l’a reçu personnellement des mains de Carl XVI Gustaf, le roi de Suède, et s’est, obéissant au protocole de la cour, courbé à trois reprises, pour le chèque, la médaille et le diplôme, évidemment que j’ai ressenti qu’en Suède, étrangement justement en Suède, quelque chose avait été déshonoré. Pas autant la littérature, Joseph Goebbels était lui aussi écrivain, mais une tentative de façonner une morale laïque qui date depuis, disons, Voltaire et uniquement par le biais de l’encre de l’imprimerie sur une feuille de papier, ces "choses imprimées", et fut perpétré pendant trois-cent cinquante ans avec son apogée lors de la publication de L’Archipel de Goulag d’Alexandre Soljenitsyne, une chose imprimée des années soixante-dix autant qu’événement global qui en quelques années provoqua l’effondrement de l’ordre mondial. Ce qu’il en est avec ce comité suédois de littérature qui s’est dressé dans ce geste provincial - "Nous allons lui montrer au monde" - est tout à fait égal et risible de même que pour cet "exploit" il n’y avait de partenaire plus idéal que quelqu’un de notre coin, Slovène ou Allemand ou quoi que ce soit de Carinthie, car c’est bel et bien notre spécialité à nous, et de tels partenaires nous en fabriquons en série ; d’ailleurs, Ivo Andrić s’est aussi courbé devant Hitler à Berlin juste pour pouvoir être ambassadeur, probablement dans le même queue-de-pie que celui qu’il portait à Stockholm, mais là en tant qu’écrivain étatique de la Yougoslavie de Tito. Dommage pour Voltaire et les Spinoza et les Érasme de Rotterdam d’avant, les héros craintifs de la "chose imprimée" et les initiateurs d’une sorte de morale avec laquelle l’on pouvait vivre deux ou trois siècles, sans pour autant devoir appartenir à l’Église ou le Parti, sans même devoir être leur dissident. Et dans une espèce d’assurance que l’auteur de Pour qui sonne le glas, Ernest Hemingway, ne se pointera pas à la remise du Prix Nobel en uniforme nazi.



traduit par Yves-Alexandre Tripković

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