Avec le départ de Dubravka U.
Dubravka Ugrešić
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Dans la nuit à nouveau l’éclat froid de l’époque passée
frappe à la porte, il ne craint pas les idéaux de l’esprit, de la santé
ou les efforts du bonheur, il a sa propre cloche dans le clocher
caché construit de souvenirs et monuments
en pierre. Je les fuis, là plus que nulle part ailleurs
on peut ressentir la mort, ta mort également. Alors quelqu’un,
n’importe qui, publiera une photo avec toi sur la façade d’un palais, sur le mur du château décrit
dans un vieux livre. Il le fera car voulant lui-même
être dans l’aura de la gloire posthume, pour se distinguer
en tant que confident de ses propres souvenirs ou encore de ceux des autres, pour
qu’on prête attention à quel point ton départ est pour lui
tout autant une perte, peu importe la teneur, mais sans aucun doute
déjà écarté de la gueule de la vie dans l’ombre, à l’endroit
où la lumière se retire face aux ténèbres, quelque part où
expirent tout les saluts de l’obscurité. La seule chose en quoi je crois
maintenant sont les mots qui montent tout droit vers mon
cœur, ils n’immortaliseront rien ni personne, même pas
toi, mais seront juste honnêtes et remplis de leur propre fatigue,
fatigue du monde qui disparaît avec nous sur les rues désertes
des villes. Il ne reste quasiment plus rien, en printemps
on oublie encore plus qu’en hiver, et bientôt peut-être
qu’il n’y aura vraiment plus personne pour sentir l’éclat froid de l’époque,
le frémissement de la main engourdie et les lèvres jetées au bord de la route.
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traduit par yat
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