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Photo du rédacteurVladana Perlić

Haruhi Suzumiya et les bougies enchantées








anđela est solide comme un roc et son cœur mouvant comme les sables

miljana a les cheveux emmêlés c'est pourquoi ses pensées s'entortillent

marina est le pacifique : âgée et profonde.

je les aimais il me semble avant de les avoir connues. 

quand j'allumais des bougies dans l'église du village

il y a longtemps, longtemps, dans une autre vie 

(quand j'étais encore une petite fille

avec une imagination bien trop débordante pour que je me sente seule)

j'allumais malgré les réprimandes de mes parents

une unique bougie pour les défunts

et ce, toujours pour un mort que je n'avais jamais connu

(mais j'aimais énormément le mythe qui l'entourait). 

la seconde bougie, je l'allumais pour faire des vœux

mais je n'avais qu'un seul vœu

que je répétais encore et encore

pour que dieu n'oublie surtout pas

cependant dieu était loin sur je ne sais quelle planète

et je ne sais combien d'années-lumière il fallait

pour que les vœux arrivent enfin jusqu'à lui

(haruhi suzumiya avait calculé pas moins de 16 ans

si l'on partait du principe qu'ils voyageaient à la vitesse de la lumière). 

j'en suis sûre

je les aimais avant de les avoir connues

je veux dire reconnues

avec leur croix en or autour du cou

sur lesquelles se reflétait la lumière du projecteur

pendant les cours de mme bošković

tandis que les dieux barbus de nos ancêtres

défilaient sur des diapositives colorées.

il fallait à nouveau apprendre sur soi. 

cette fois-ci en français.

mais moi

je ne suis plus cette personne-là.

haruhi a déménagé de mon disque dur il y a longtemps

les reliques brisées abandonnées en même temps que la patrie

balancées dans un tiroir pour prendre la poussière

elles servent juste à ce que ma mère dise

qu'il faut les faire réparer chez le bijoutier. 

c'est un rituel qui se répète depuis déjà des années.

mes parents aiment beaucoup les rituels

l'illusion que rien n'a changé.

jusqu'à ce qu'un étouffant dimanche après-midi

ma mère rangeant le vide que j'avais laissé derrière moi

trouve un album-photo et soupire

mon dieu mon dieu comme ils étaient petits c'est comme si c'était hier 

ils sont déjà grands maintenant comme le temps passe 

et cette sauvageonne qui n'appelle même pas 

et l'autre l'autre comme un sauvage qui ne s'approche pas de sa mère

sa propre mère ah quelle vie

malgré tout ce n'est pas une raison pour que je ne me réjouisse pas

des vœux de l'enfance enfin réalisés

même s'ils ont bien tardé.

Et quand tout cela sera passé

il ne restera que les cernes bleuâtres qui témoigneront de

toutes les chansons que nous chantions à tue-tête jusqu'à l'aube

celles-là mêmes à cause desquelles on nous dénonçait aux surveillants

car les gens honnêtes ne pouvaient pas dormir à cause de nous

et quelques kilos en plus qui rappellent

tous les gâteaux marbrés mangés à deux heures du matin

après lesquels lourde et endormie

pendant les nuits pluvieuses

nos kabyles et nos arabes m'ont tellement de fois

raccompagnée jusqu'à l'immeuble

au cas où

afin que la nuit ne m'attaque pas ne m'enlève pas ne m'avale

qui sait ce qui peut se passer


jamais il n'y eut d'ami plus dévoué.

jamais il n'y eut de plus grands inconnus.

c'est sans doute pour cela 

que nous nous aimions tant.




traduit par Svetlana Dojić



*



Vladana Perlić est née en 1995 à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine. Écrivaine et poète, diplômée en langue et littérature françaises, elle a publié deux recueils de poèmes : „Frapper à la porte de la tour“ (Zaprokul, 2020) et „Jésus entre les seins“ (LOM, 2020). Plusieurs prix littéraires lui ont été décernés : „Novica Tadić“ (2020), „Aladin Lukač“ (2021), „Anka Topić“ (2021), „Ratkovićeve večeri poezije“ (2020), „Ulaznica 2021“ et „Mak Dizdar“ (2018 et 2020). Lauréate de la résidence Q21 à Vienne (2022), elle se trouvait la même année parmi les finalistes du festival romain MArteLive Europe. Ses poèmes ont été traduits en plusieurs langues : français, allemand, polonais, anglais, hongrois, italien et hindou.


*


Svetlana Dojić, titulaire d’un baccalauréat scientifique, poursuit des études d'anglais à l'Université Sorbonne Nouvelle et, en 2000, elle obtient une maîtrise LLCE d'anglais.

Après avoir passé une année à l'Université de Sussex à Brighton au Royaume-Uni, en 2002, elle obtient son CAPES d'anglais.

En 2003, elle débute sa carrière de professeure d'anglais en collège, puis, en 2006, obtient un poste au lycée Gaston Bachelard à Chelles, en Seine-et-Marne, où elle enseigne encore aujourd'hui. En 2015, elle passe avec succès l'agrégation d'anglais.

En 2020, elle reprend ses études à l'UFR d'Etudes Slaves de Sorbonne Université, et obtient une licence LLCE de BCMS en 2022. Elle est actuellement en Master 1 de BCMS.



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