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Photo du rédacteurNikola Batušić

Le duel de Miroslav Krleža avec notre patrimoine dramatique¹


Jozo Kljaković : Hrvatski dramski pisci (Auteurs dramatiques croates), 1955






À plusieurs reprises et à différentes occasions, Krleža a violemment remis en question l'héritage dramatique croate. Il met sous la loupe de sa critique aiguisée une grande partie du corpus dramatique national : il commence dès les débuts avec quelques remarques sur les représentations médiévales suivies d'observations critiques adressées aux dramaturges de la Renaissance et du baroque, et après les smješnice² et les frančezarije³ s'arrête sur le représentant émérite des lumières croate, Brezovački, pour continuer avec le romantisme et le drame à l'ère du réalisme, se terminant finalement à l'époque moderne, où il accordera une attention particulière à Vojnović et en partie aussi à Kosor.


La réflexion critique sur notre héritage dramatique s'achève chez Krleža - selon ses propres mots, avec la période avant la Première Guerre mondiale de 1914-1918⁴. Ce n'est pas difficile de remarquer que cette période est aussi celle de son entrée dans la littérature dramatique croate, puisque presque toutes les œuvres dans son cycle des Légendes⁵ ont été écrites ces années-là. On pourrait donc en conclure que Krleža ne voulait plus prolonger ses jugements critiques puisqu'en 1914 il devint lui-même un acteur important de l'écriture dramatique et de la vie théâtrale nationale. Cependant, une hypothèse un peu différente, quelque peu malveillante, pourrait être posée : l'auteur considère la limite à laquelle il s'est arrêté comme une sorte de revirement, parce qu'à ce moment-là à l'horizon littéraire national son nom est également apparu et l'histoire montrera ce que cela signifiera (ou a signifié) dans le corpus du drame croate qui se formera après cette époque. Mais, quelle que soit l'hypothèse sur la limite chronologique que Krleža utilise dans l'évaluation du patrimoine dramatique national, la période de la « Modernité »⁶ croate (expressionnisme et symbolisme) est une frontière dans l'histoire qu'il n'a jamais traversée plus radicalement.


L'arc temporel dans lequel Krleža invite en duel, souvent à des défis impitoyables, ses prédécesseurs in dramaticis s'étire de 1919 (Le Mensonge littéraire croate) à 1959 (fragments de l'essai ultérieur De l'histoire culturelle croate) ; bien que les intonations polémiques de l'auteur dirigées vers l'héritage dramatique national se trouvent dans les marges des écrits ultérieurs, dans son journal tardif, même dans les conversations avec Enes Čengić, la plupart des textes importants pour notre sujet ont été composés au cours de la période mentionnée d'une quarantaine d'années⁷.


Dans cette considération nous ferons référence aux travaux suivants de caractère polémique écrits par Krleža sur le patrimoine dramatique croate (que nous listons chronologiquement) : Le mensonge littéraire croate (1919)⁸ ; Ma confrontation avec eux (1932)⁹ ; À propos de notre répertoire dramatique - à l'occasion du 400e anniversaire de Tirena de Držić (1948)¹⁰ ; Au sujet de quelques problèmes de l'encyclopédie (1953)¹¹ et De l'histoire culturelle croate (1963)¹².


On sait que les textes mentionnés ont été écrits à différentes occasions, mais tous, à l'exception du livre polémique bien connu Ma confrontation avec eux, sont publiés d'abord dans des revues, puis, habituellement dans des versions quelque peu modifiées, insérés dans différents recueils d'essais et d'articles de l'auteur. Mais dans nos exemples, lorsqu'il s'agit des jugements, les rédactions finales par Krleža des textes cités ne diffèrent pas significativement des plus anciennes.



Les circonstances et les raisons quand les appréciations de Krleža sur notre héritage dramatique sont parues étaient différentes : dans leur mise en valeur, il faut donc tenir compte du moment où elles ont été composées, puis la position alors de Krleža dans notre vie littéraire, et bien sûr celles des constellations politiques qui ont influencé les réactions de l'auteur. Si les jugements de Krleža au cours de ces trente années ont en partie et parfois, mais pas toujours, radicalement changé, son intention en évaluant l'héritage dramatique croate a toujours été complètement évidente : elle est extrêmement polémique, certaines fois plus farouchement colorée de tons vifs, et dans certains passages particuliers prend des accents perceptiblement pamphlétaires.


Il est donc intéressant de voir dans quel segment de la biographie de Krleža et dans quelle période de la participation de l'auteur à la vie littéraire croate apparaissent ses polémiques avec notre héritage dramatique.


Le Mensonge littéraire croate, véhément et sans compromis, qui annonce en 1919 dans une violence révolutionnaire l'intention déterminée de Krleža d'introduire des changements dans la vie littéraire croate, est caractérisé par une claire aspiration nietzschéenne à la réévaluation de toutes les valeurs et, selon A. Flaker, possède à cette époque les traits d'un manifeste d'avant-garde¹³. Cet essai polémique a été écrit au moment du règlement de comptes de l'auteur, extrêmement marqué à gauche, avec presque tout le passé littéraire national et s'achève par l'accord à trois voix, bien connu, que les seuls véritables fondements sur lesquels peuvent se construire non seulement notre avenir littéraire mais aussi notre avenir civilisationnel sont – les bogomiles, Starčević et Kranjčević.¹⁴


Le livre polémique Ma confrontation avec eux fut publié en 1932, alors que son auteur était déjà un dramaturge établi (entre 1922 et 1929, il lui fut décerné cinq fois le très prestigieux et bien rétribué prix théâtral « Demeter ») mais, à juste titre, il considère qu'à ce moment-là sa personnalité, et même sa vie privée, ont été diffamées dans une partie de la presse de Zagreb, et que d'éminents critiques de théâtre non seulement le sous-estiment mais aussi le jugent avec malveillance. Avec ce livre dans lequel Krleža démasque, comme il le dit, les chroniques théâtrales de l'élite zagréboise, mais aussi dans laquelle il ne pardonne pas les incohérences stylistiques et les formulations illogiques à certains chroniqueurs dont on pourrait prétendre qu'ils étaient orientés vers une gauche plus modérée, l'auteur a imprimé certaines de nos meilleures pages polémiques littéraires, les plaçant parmi les chapitres remarqués et les jugements sporadiques sur le patrimoine dramatique croate. Cela concerne principalement les parties, publiées ici pour la première fois, de la Conférence d'Osijek (le chapitre « À propos de tout », pp. 200-204) de 1928 et sur deux paragraphes dans lequel Krleža, discutant de questions littéraires et théâtrales, fait allusion à Tituš Brezovački et notre drame kaïkavien¹⁵ anonyme au tournant du xvɪɪɪe et du xɪxe siècle.


Le cœur du duel impitoyable de Krleža avec le patrimoine dramatique national, dans lequel, outre des évaluations d'auteurs croates, sont fournies également celles d'auteurs serbes et slovènes, est occupé par l'essai de 1948, À propos de notre répertoire dramatique, souvent réimprimé et intégré ultérieurement à des anthologies à plusieurs reprises, écrit de facto à l'occasion du 400e anniversaire de la Tirena de Držić¹⁶, mais apparemment aussi dans l'intention d'acquérir le statut d'une sorte d'anthologie dramatique de l'espace yougoslave depuis les débuts jusqu'à la modernité, qui, selon Boris Senker, favorise les mœurs populaires exprimées par Držić, Sterija et Nušić¹⁷, contrairement à « l'aristocratisme » de Gundulić et Vojnović¹⁸. Ensuite, en écrivant les Prolégomènes de la future encyclopédie en 1953, Krleža, dans les questions sur l'histoire politique et culturelle des Slaves du Sud, abordera brièvement aussi les problèmes du drame romantique dans les zones historiques et géographiques de l'état (yougoslave) à cette époque, et cela parmi de nombreuses autres questions auxquelles la future édition devrait répondre, en valorisant les événements et leurs protagonistes avec de nouveaux critères basés sur une esthétique imprégnée d’idéologie socialiste. Ici, principalement, il a renouvelé les critiques sur le drame romantique présentées plus tôt dans l'essai sur « notre répertoire dramatique », tandis que dans le texte De notre histoire culturelle, composé à partir d'un montage de notes lexicographiques marginales de l'auteur pour la future Encyclopédie de Yougoslavie¹⁹, il soumettra à un jugement sévère l'écriture et la langue des comédies de Tituš Brezovački, qu'il évalua négativement en 1932 dans la Confrontation.


Dans le doute quant à la manière dont nous présenterions et analyserions la position de Krleža sur notre héritage dramatique, soit dans l'ordre chronologique d'apparition des textes de l'auteur à partir de l'année 1919, ou encore depuis une chronologie au sein du corpus dramatique national établie sur la base d'un aperçu des cinq œuvres mentionnées, nous avons opté pour cette deuxième méthode, considérant qu'elle indiquera le plus précisément la véritable portée et la nature des jugements de l'auteur à chaque moment donné.


Krleža a consacré le plus de pages à la période la plus ancienne du théâtre croate dans l'essai Sur notre répertoire dramatique. Il aborde ici de nombreux auteurs, de Crijević à Držić et de Gundulić et Palmotić aux auteurs de smješnice et de frančezarije, évaluant leur part dans le corpus du drame croate pré-moderne et, indirectement, également dans la vie théâtrale, de son point de vue quasi extrême-gauchiste et marxiste de l'époque. Écrit dans le style bien connu de l'auteur, avec de nombreuses révisions des jugements acquis et excursions dans les événements historiques, la philosophie et la théologie, cette étude polémique, en ce qui concerne le drame croate, repose sur une position ferme, selon laquelle seulement une œuvre dramatique issue de l'environnement communautaire-plébéien, à savoir l'œuvre de Marin Držić, correspondait à l'époque dans laquelle elle a été créée. Car ce qui s'appelle « majorité compacte » des soi-disant masses littéraires, cette quantité moyenne de dialecticiens, de penseurs et de Dominicains, s'embarqua pour un cours paisible sous les auspices de l'Inquisition et sous les protections de la Compagnie de Jésus. C'est ainsi qu'Elija Lampridius (il s'agit bien sûr d'Ilija Crijević), qui se présentait comme un Plaute et Terence devant les cardinaux (ce qui est un fait incontestable, mais le fait encore plus important, comme il s'est avéré plus tard et a été prouvé scientifiquement, c'est qu'il a apporté de Rome à Dubrovnik les principes du théâtre de l'humanisme qui ont assurément influencé Držić), est devenu pope. Il est exact que le Romain Cerva fut ordonné vers la fin de sa vie, mais auparavant, il occupait toute une série d'importantes tâches civiles et administratives dans la République, dont on ne trouve chez Krleža pas la moindre mention.


Dans une telle dioptrie, il est bien clair que du ciel sombre digne de Savonarole, de Thomas d'Aquin, anti-hellène et scolastique de notre panorama littéraire du xvɪe siècle (peint ici avec des traits grossiers), se distingue la personnalité de Marin Držić, comme la figure sereine et sublime d'un monument dans le cadre d'une messe de requiem, où les cœurs des dominicains, des jésuites et des franciscains brûlent des livres païens sur des bûchers comme un « enfantement des ténèbres » et où ne se trouve aucun des noms de nos poètes qui n'a pas fini comme pénitent dans la cilice d'un moine, en tant que converti ou comme ermite.


Krleža mentionne Vetranović²⁰ uniquement comme le protecteur de Držić, l'auteur de pieuses poésies lyriques (...) à genoux, naïvement contrit, d'une douceur mariale, mais le fait qu'il était également un auteur de mystères intéressants (comme l'ont prouvé les mises en scène récentes), qui a également laissé des pastorales mythologiques - il n'en parle pas, comme il ne mentionne pas non plus Nalješković²¹, le prédécesseur comique de Držić. Držić est pour Krleža le contraire de Marulić, étant donné que son théâtre est en langue slave, genre de pastorales scélérates sur l'autel des sentences rimées de Marulić (...). Ainsi, la comparaison bizarrement prononcée entre Marulić et Držić découle de l'énergie furieuse de l'auteur avec laquelle il écrit cet essai et est sans aucun doute un autre exemple de l'odium de Krleža envers l'auteur de Judita²².


Quant aux représentations religieuses, bien qu'il qualifie les mystères dalmates de transcriptions plus ou moins stéréotypées de Belcari, Pulci, Lorenzo de' Medici, et qu'il les désigne parfois, à tort, comme des jeux liturgiques, dans cette poésie rimée pour la propagande des textes évangéliques, Krleža admettra qu'elles représentent en réalité la première pénétration du langage vernaculaire sur scène et en tant que problème historico-culturel, si l'on considère l'ensemble des séries des habituelles invectives anticléricales au Moyen Âge, ces jeux liturgiques sont toujours une question ouverte, et il n'est pas trop audacieux de dire qu'une bonne partie de ces vers aujourd'hui, depuis la scène, offenserait le goût de beaucoup de nos franciscains poétisés telle une talentueuse propagande anticléricale. La pratique du théâtre à partir des années 70 du xxe siècle (les festivals des Jeux d'été de Dubrovnik et L'été de Split, avec plusieurs créations de nos mystères mis en scène par Marko Fotez, Božidar Violić et Joško Juvančić²³, ainsi que le Théâtre populaire de Hvar²⁴ avec des créations du metteur en scène Marin Carić) a montré et prouvé comment un théâtre contemporain pertinent pouvait s'édifier sur la base de notre dramaturgie la plus ancienne, ce que Krleža, à la fin des années quarante, considérait comme une question ouverte, entrouvrant ainsi prudemment la porte de ce corpus à une vivification scénique.


Dans l'esquisse du portrait de Držić, l'auteur se concentre sur la perspective de la vaste et importante bataille pour le principe qui se déroule sur la scène du carnaval de Marin, et c'est le principe de savoir si la mission de notre littérature slave est d'être ou non au service de l'Église latine ou de l'Église en général. Cependant, bien que Krleža ait attribué à Držić sur la première page du texte (dans la note où il explique pourquoi et à quelle occasion ce texte a été écrit), plusieurs compliments bien mérités et importants pour commencer (le répertoire du Sud slave est impensable sans l'œuvre de Držić comme point de départ ; Držić crée des comédies plautiennes à la manière de la Renaissance, mais tous les éléments de la commedia dell' arte chez lui sont déjà présents), dans la suite du texte Držić est d'abord moqué en tant que curé et organiste, un benêt de cour et un imitateur servile des seigneurs et aristocrates, une sorte de serviteur et comédien de circonstance, qui amuse de plaisanteries les maîtres à leur table seigneuriale, achevant son propre calvaire en tant qu'émigrant politique, conspirateur et rebelle.


Un peu plus tard, dans le même texte, l'auteur est néanmoins admiratif de la maestria de Držić quant à la réception du modèle dramaturgique et érudit plautien car il est sans aucun doute le premier plébéien de notre art dramatique qui a créé des personnages qui ne sont pas que les masques de carnaval d'une troupe de théâtre qui « provoquait de grands rires », dans laquelle jouait l'écrivain lui-même (une hypothèse courageuse mais douteuse pour la vie théâtrale de Držić à Dubrovnik et une hypothèse jamais prouvée !), mais les premières figures poétiques venant du peuple qui parlent le langage simple et plébéien des vrais comédies paysannes. Plus tard, notre držićologie établira incontestablement qu'il existe une grande différence entre les vrais jeux paysans - où Krleža a évidemment en vue le modèle de Padoue d'Angelo Beolco alias Ruzzante - et de l'autre côté le modèle comique de Držić. Krleža qualifiera alors le théâtre de Držić comme un phénomène en vogue - avec un adoucissement de cette évaluation - comme dans l'art, tout est à la mode, mais indépendamment de cette manière de la Renaissance italienne, siennoise et plautienne, comme signe évident des temps, les comédies de Držić ont atteint leur véritable objectif créatif : elles sont dans l'espace et dans les temps révolus les voix suspendues d'un parlé populaire qui s'adresse à nous aujourd'hui de la scène avec autant d'éclat qu'il y a quatre cents ans. Badiner avec les faiblesses humaines n'est pas seulement pour Držić l'outil banal d'un auteur comique routinier (...) ce n'est pas qu'un jeu carnavalesque écrit « all' improviso », pour le divertissement des seigneurs. Ce ne sont pas seulement des masques, ni des monstres de carnaval noircis de suie, ni des pastorales chantées pour le mariage de quelques grand-seigneurs ragusains, mais un vrai jeu de comédie, réel, vivant, suggestif, qui a dépassé son temps grâce à la puissance talentueuse, pure et authentique de son langage scénique²⁵.


Cette apologie de Držić par Krleža, bien qu'incrustée de maladresses littéraires et historiques, théâtrales et même arbitraires, est le seul véritable hommage à quelqu'un de la longue liste des créateurs du patrimoine dramatique croate, avec lequel notre écrivain débat sur une centaine de pages de ses textes, soumettant à une sévère révision une bonne part de ses prédécesseurs dans la création d'un répertoire national. L'intonation de cette évaluation des écrits dramatiques de Držić a eu pour notre držićologie - plus pour l'écrit et moins pour la réalisation scénique – d'importantes répercussions. Pas besoin de douter que Živko Jeličić dans la monographie Marin Držić – Vidra (1958), est parti précisément de certaines positions de Krleža exposées dans ce jugement sur notre répertoire dramatique le plus ancien, et il y en eût d'autres qui ont de façon plus ou moins visible suivi cette piste.


Après Držić, ce fut bien sûr le tour de Gundulić. Il est, avec quelques réserves antérieures de l'auteur bien connues, néanmoins inscrit parmi ces écrivains qui dans le panthéon dramatique national méritent une place, non pas éminente, mais digne. Observée du point de vue jésuite, cette écriture dramatique est partielle, latine, précisément un phénomène de la Contre-réforme, qui naît organiquement des jeux liturgiques de la « sacre rappresentationi » et va jusqu'aux plagiats quasi didactiques de Kotzebue et Goldoni de la fin du xvɪɪɪe siècle (...) La « Dubravka » de Gundulić (1628) est qualifiée à l'unanimité de l'avis de nos « arbitres de l'élégance littéraire » de droite, d'hymne à la « Liberté », comme il n'y en a pas beaucoup dans la littérature européenne de cette époque. C'est vrai. Mais c'est aussi la vérité que « Dubravka » a été écrite quatre-vingts ans après « Tirena » de Držić et que « Dubravka » est poétiquement bien plus banale et impersonnelle que « Tirena », et puis il est vrai aussi que Gundulić était une sorte de converti, qui se couvrait la tête de cendres et qui est revenu à l'Église après sa phase créative soi-disant scélérate, mythologique. L'ensemble du répertoire théâtral classique et mythologique de Gundulić fut jeté au feu comme victime de la Contre-réforme. L'animosité ironique de Krleža envers Gundulić, connue déjà dès les Ballades (1936) – Ténue et bleue, / Aquamarine ombre lunaire, / Le Gondola avec son luth / Et sa chanson sur la Fortune, / Sur le drapé écarlate de la cape dubrovnikienne, / Sur le clair de lune, les onguents arabes, / Nous a conviés au jardin de Raguse... [...] O Gondola, o Gondola, vogue ta gondole, / Loin de notre troublé canal !²⁶, se trouve partiellement reprise ici sous une forme condensée en prose, comme une nouvelle invective adressée à l'auteur de Dubravka, qui malgré tout, dans le bilan final de l'auteur, demeure un élément standard de notre répertoire classique - l'expérience nous enseigne que ces choses ne sont pas mortes sur scène : Držić et Gundulić font toujours salle comble.


Hanibal Lucić, un poète de l'île de Hvar revenu dans sa villa d'été patricienne en ruine, est l'auteur de « Robinja » (L'esclave), une pochade de salon (sic !) assez faible, qui parmi les représentations profanes européennes est apparue sur les plateaux comme la première parmi les premières. Mais que cette faible pochade n'ait pas été inintéressante pour nos metteurs en scène, cela est démontré par son existence scénique à plusieurs reprises (Branko Gavella avec Mihovil Kombol en 1939 dans Le Mariage du jeune Derenčin, un collage des œuvres de Lucić et de Tirena de Držić, et de nouveau Gavella en 1954 aux Jeux d'été de Dubrovnik et Marin Carić au Théâtre national de Split en 1975).


Intéressante est la proposition de Krleža que ces Ariane, Proserpine, Galatée, Diane, Armide, Atalante (Džono Palmotić²⁷ 1629) soient montées sur scène sous forme de mélodrames avec accompagnement musical original de Caccini, Monteverdi, etc. (…) De la même façon, il faudrait prêter toute son attention à l'« Aminta » du Tasse dans la traduction de Dominik Zlatarić²⁸ et au « Berger fidèle » de Guarini dans la traduction de Fran Lukarević²⁹. Une partie de ses propositions fut bien plus tard réalisée au Théâtre Marin Držić et aux Jeux d'été de Dubrovnik. Deux œuvres de Palmotić ont été jouées, Pavlimir (mise en scène de Kosta Spaić, 1971) et Atalanta (mise en scène de Marko Fotez, 1976), et Ivica Kunčević a monté Elektra (1976) de Zlatarić.


Nos smješnice du xvɪɪe siècle ont reçu l'éloge de Krleža, tout comme la richesse burlesque des variations de Molière de nos frančezarije, entrelaçant par les motifs et allusions, des œuvres qui pourraient être pour les « metteurs en scène »³⁰ d'aujourd'hui une incitation inépuisable à des inspirations originales. Même sans cet avertissement de Krleža, notre pratique scénique au cours des cinquante dernières années a prouvé comment le jugement de l'auteur s'est avéré particulièrement vrai. Au final, de cette valorisation ou revalorisation du patrimoine dramatique croate en l'espace de trois siècles, Krleža conclura qu'il s’agit d’un matériau immense, dont de nombreuses civilisations littéraires ne disposent pas (…) Dans les ténèbres turques, autrichiennes, vénitiennes et jésuites, dans le néant et dans les brumes de cinq cents ans de guerres, c'est une chandelle qui, avec sa douce lumière, parvient même jusqu'à nos plateaux actuels.


Dans la série chronologique des jugements de Krleža sur notre héritage dramatique suit un chapitre dans lequel l'inclémence de l'auteur envers l'héritage comique kaïkavien surprend, et surtout à l'égard de son représentant le plus éminent, Tituš Brezovački, pour lequel il entonnera vraiment à plusieurs reprises une sombre marche funèbre. Le poète qui avec ses Ballades a érigé un monument grandiose au dialecte kaïkavien, dans lequel il a dédié certains de ses vers à de nombreuses élites kaïkaviennes, l'une d'entre elles, sciemment ou involontairement, il est difficile de le déterminer de manière fiable aujourd'hui, il l'a presque toujours contournée. Et quand il s'en souvint en passant, ce fut alors pour le prébendier de l'église zagréboise de Saint-Marc, le comédiographe Tituš Brezovački – dévastateur. Krleža a défié à trois reprises notre auteur de comédie kaïkavienne en duel. La première fois dans le chapitre Pro domo sua sur les pages de Ma confrontation avec eux quand il dit : Quelle crise ? Si le livre était en crise médicale, ce diagnostic nécessiterait de supposer que notre livre était en bonne santé. Et quelle est la vérité ? Šenoa³¹, Vojnović, Gjalski, Novak³² sont encore lus uniquement par des lycéens comme une obligation scolaire. Et tous ces classiques pour nous sont contemporains d'écrivains européens qui vivent encore aujourd'hui continuellement, et beaucoup d'entre eux d'année en année, de plus en plus intensément. Un Brezovački est à peine un document d’histoire culturelle, mais de littérature, il n'en est pas !


Dans le chapitre du même livre intitulé Directeur de rédaction de « Jutarnji list » M. Josip Horvath en tant que critique de théâtre, Krleža souligne une somme d'incompatibilités stylistiques de Horvath, polémique avec humour et supériorité de ses jugements sur certains dramaturges, se moquant en même temps de son évaluation positive de la comédie kaïkavienne anonyme Toutes les chaussures ne conviennent pas à tous les pieds³³ : nos comédies locales n'ont une valeur culturelle et historique que pour nous, et cela uniquement parce qu'elles ont été écrites à portée de tir des canons turcs et aux parages des damas nus et des kandjars ! Dans toute autre civilisation, occidentale (et même à Graz), elle aurait déjà servi de papier d'emballage pour la viande il y a quatre-vingts ans. Conclure sur la base de tels manuscrits qu'il y ait quelque part un génie pré-Gogol du Komos croate³⁴, c'est comique ! Le Komos croate existe, mais jusqu'à aujourd'hui - malheureusement - il n'a su que faire bouillir de la « komovica », l'eau-de-vie locale, mais n'a écrit aucune comédie, et encore moins des comédies pré-Gogolienne. Dans le cadre de cette sentence, nous pourrions placer sans aucun doute également la comédie anonyme La Magie du baron Tamburlanović, que Krleža connaissait certainement, mais aussi toute l'œuvre de Brezovački, qu'il jugeait, nous l'avons vu, extrêmement négativement.


En marge de l'évaluation de l'ensemble du répertoire dramatique croate (1948), Krleža accompagnera d'un bilan lapidaire et absolument négatif nos relocalisations kaïkaviennes du xvɪɪɪe siècle, lorsqu'il les disqualifiera en quelques mots comme un plagiat quasi didactique de Kotzebue³⁵ et Goldoni. L'auteur avait clairement en vue l'activité théâtrale au Séminaire (seminarium clericorum, « l'école noire » dans le jargon populaire), auprès de l'archevêque de Zagreb sur la colline nommée Kaptol : l'œuvre de Matija Jandrić³⁶ - Ljubomirović ou L'Ami véritable, d'après la comédie de Goldoni Il vero amico, Zagreb 1821 (repris au Théâtre national croate dans la même ville en 1931), ainsi que de nombreuses relocalisations d'August von Kotzebue, parmi lesquels les plus célèbres sont Le perroquet ou La vertu donne le bonheur même quand elle ne l'espère pas et La haine des hommes et la pénitence enfantine. À cette époque, Krleža ne pouvait lire ces deux dernières œuvres que dans le manuscrit ! La science historique et littéraire a prouvé plus tard avec succès que ces plagiats étaient des relocalisations et des adaptations très pertinentes, et dans le cas du Malade imaginaire ou L'hypocondriaque, qu'il s'agit d'une œuvre particulièrement intéressante, créée, il est vrai, selon des modèles étrangers, mais avec de nombreuses ramifications originales de nos propres fables.


Bien plus tard, Krleža sera encore plus dur envers Brezovački - voire impitoyable : dans ses marges lexicographiques, l'essai dans la version imprimée intitulé De notre histoire culturelle vient l'humilier : la valeur de la langue de Tituš Brezovački est soulignée précisément par ceux de nos commentateurs avérés sans aucune oreille pour la richesse du parlé régional zagrébois, qui se meurt sous nos yeux. Quand se mesure la qualité du style de cet auteur comique en soutane d'aumônier, Brezovački, malheureusement, qui n'était pas doué poétiquement, n'a vraiment laissé aucune scène sur la base de laquelle on pourrait conclure le contraire. Quand on insiste sur une inventivité de ses phrases, qu'on les compare avec une fantaisie stylistique du capucin de Zagreb ou du pasteur Mikloušić de Stenjevec³⁷, pour démontrer comment Brezovački s'exprime sans invention, suivant les phrases banales de la langue vernaculaire grossière, sans impulsion créatrice. L'efficience comique de ses scènes ne s'élève à aucun moment au-dessus de la médiocrité quotidienne vers la plénitude de phrases originales et spontanées. La dégradation provinciale d'un jargon qui, chez Pavle Štoos³⁸, passe à une triste cantilène de l'impuissance, chez Brezovački résonne comme une farce grossière. L'expression d'un Mikloušić ou d'un Kristijanović³⁹ resplendit comme un exemple de parlé hautement cultivé de cercles sociaux instruits littérairement, qui, dans leur manière de s'exprimer, trouvent leur plaisir dans une étiquette baroque ornée de grandiloquence rhétorique, dans une telle époque lointaine, repue et stupide⁴⁰.


Krleža a du regarder Brezovački au théâtre de Zagreb, car L'étudiant Matijaš grabancijaš est joué aux premières années du xxe siècle, lorsque Krleža prend notes occasionnellement de ses sensations théâtrales - à plusieurs reprises, tandis que la mise en scène historique du Diogeneš par Gavella en 1925, à l'occasion de la création de cette comédie, relève de l'époque de la grande consécration littéraire et scénique de Krleža, et donc aussi de son intense participation à tous les événements théâtraux pertinents. Il semble que dans son jugement, comme c'était déjà le cas dans plusieurs jugements précédents, a prévalu le fait que l'humour vraiment revêche par moments et le comique parfois drastique de Tituš Brezovački n'étaient pas conformes aux conceptions d'une langue curiale kaïkavienne hautement stylisée, que Krleža appréciait et aimait tant chez Mikloušić, Štoos ou Kristijanović.


Une remise insignifiante, mais effectivement minime, pas une totale mais seulement partielle réhabilitation, Brezovački ne l'a obtenue que beaucoup plus tard. Mentionnant dans les conversations avec Predrag Matvejević⁴¹ les sources linguistiques pour les Ballades de Petrica Kerempuh, Krleža répondra à la question de son interlocuteur sur les sources linguistiques et autres des « Ballades » : j'ai mentionné dans diverses variations des expressions d'« horreurs obscures » dans la langue de Pergošić, Vramac, Škrinjarić, Habdelić, Belostenec, Magdalenić, Katarina Zrinska, Frankopan Krsto, Vitezović, Jambrešić, Mikloušić, Krčelić, Brezovački⁴² (...) Les « Ballades » ont confirmé qu'un poème pouvait être écrit dans une langue oubliée et mourante, qui dans son passé ne se distinguait pas vraiment par de particulière inspirations « poétiques » : exceptés la comtesse Patačićka⁴³, le curé Mikloušić et quelques rares poèmes de Galović⁴⁴...


Ce texte est une sorte de modification d'un passage du Dijalektički antibarbarus⁴⁵, écrit en 1939, dans lequel Krleža parle pour la première fois de la genèse des Ballades dans l'ombre de la guerre civile espagnole : fasciné dans cette première phase du drame espagnol par l'expression des horreurs obscures dans la langue si appropriée de Bučić, Pergošić, Vramac, Skrinjarić, Habdelić, Belostenec, Magdalenić, Katarina Zrinska, Frankopan Krsto, Vitezović, Jambrešić, Mikloušić et Kerčelić, j'ai réagi aux événements espagnols en esquissant plusieurs cycles de poèmes⁴⁶ (...). Le catalogue des écrivains kaïkaviens de l'Antibarbarus est presque littéralement relayé dans Les Conversations, à l'exception de Bučić, et Brezovački a été ajouté. Cependant, nous voyons que Brezovački a été mentionné exclusivement comme l'une des sources linguistiques pour le recueil kaïkavien de l'auteur, mais pas en tant que comédiographe. En 1939, il ne figurait pas sur la liste des sources dialectales ; il est apparu soudainement en 1971, peut-être et en raison de la mauvaise conscience de l'auteur pour sa complète dévaluation antérieure de l'écrivain de Diogeneš. Mentionnons en passant comment les Conversations ont servi Krleža comme une sorte de pénitence de Canossa, ce qui se voit le mieux dans le cas de l'aspiration à la réhabilitation de Gjalski, qu’il avait auparavant injustement et durement critiqué⁴⁷.


Une grande partie des polémiques de Krleža avec le passé dramatique croate sera consacrée au drame romantique et à celui de l'ère du réalisme. Déjà dans Mes confrontations, dans les pages du chapitre Pro domo sua, dans le cadre d'une comparaison des temps écoulés et du moment littéraire présent, il a brièvement fait allusion à deux dramaturges : Matoš par rapport à Vraz, Kosor par rapport à Demeter et Nazor par rapport à Preradović rendent compte d'une envolée de cent pour cent. Il poursuivra cependant avec de nombreuses analyses négatives sur notre drame romantique dans la Conférence d'Osijek, dans un essai sur le répertoire et dans les prolégomènes pour l'Encyclopédie.


Dans la Conférence d'Osijek, nous retrouverons également ces évaluations de notre théâtre de la fin de la Modernité : selon notre schéma d'histoire-littéraire il me semblait que je pouvais étudier cette compétence (écriture des textes dramatiques, ndlr N.B.) chez Demeter, chez Marković, chez Tresić, chez Kumičić⁴⁸, chez Dežman-Ivanov qui est le principal initiateur de la Modernité⁴⁹ et l'adaptateur pour la scène du roman de « L'Or de l'orfèvre » de Šenoa, ou Stjepan Miletić⁵⁰, qui a également écrit des pièces de théâtre à ses heures libres. Je pense qu'il n'est pas exagéré (et ces messieurs les lycéens ici présents le savent) que personne ne peut apprendre quoi que ce soit de ces dramaturges, pas même un lycéen débutant. Liquidant ses prédécesseurs depuis Demeter jusqu'à Stjepan Miletić⁵¹, Krleža a néanmoins admis qu'il y avait des écrivains dont on pouvait apprendre quelque chose dans le cadre de notre littérature scénique. Mais, cependant, ce n'était pas grand chose : un peu de rhétorique chez Vojnović et un peu de symbolisme chez Kosor. Étant donné que ces deux auteurs appartiennent à la Modernité, nous reviendrons plus tard sur leur place dans le catalogue critique de Krleža.


Le drame croate du xɪxe siècle s'est retrouvé exactement vingt ans plus tard dans un essai de répertoire sous une approche particulière, stricte et impitoyable : notre drame romantique, dont nous célébrons le centenaire, naissait dans des circonstances notamment difficiles et compliquées. La petite principauté de Serbie vivotait encore dans l'ombre du pachalik⁵² de Belgrade, la Croatie et la Voïvodine se noyaient depuis plus de cent cinquante ans dans le non-sens de la vie de Confins⁵³, de sujets féodaux et comtaux de la civilisation baroque autrichienne (…), diverses idées nous parvenaient de l'ouest comme de l'est, mais seulement à partir du xɪxe siècle, et dans le cadre de notre théâtre romantique pour la première fois, l'influence du goût littéraire allemand apparaît dans notre histoire. Les idées et les techniques d'Iffland, Kotzebue, Eckartshausen, Schiller, Goethe, Körner, Grillparzer et même Nestroy, ont dominé notre théâtre romantique, et précisément celui qui avait pour seul programme spirituel d'être la négation slave de l'influence culturelle et politique germanique.

Énumérant les noms d'auteurs dramatiques serbes et croates du xɪxe siècle, Krleža citera parmi ses prédécesseurs croates Demeter, Kukuljević, Freudenreich, Vukotinović, Bogović et Šenoa, jusqu'à Vojnović, Miletić et Kumičić, les plaçant dans le Panthéon patriotique yougoslavisant de notre dramaturgie du xɪxe siècle qui s'érige encore pathétiquement devant nous, comme l'apothéose illyrienne de Bukovac sur le rideau du Théâtre national de Zagreb. C’est, disent-ils, notre tradition théâtrale, or de quel genre de tradition il s'agit, personne ne l’a encore examiné d’un œil critique. La scène à laquelle ces drames et tragédies étaient destinés est devenue un pupitre, les acteurs déclamaient comme des agitateurs, or l'agitation était entre des mains de facteurs littéraires et politiques petits-bourgeois, qui ne se reconnaissaient pas dans l'espace et le temps. Les protagonistes de nos drames romantiques et historiques étaient, pour Krleža, les partisans de Starčević ou (du côté serbe) les radicaux⁵⁴, ce qui à partir d'Iffland, Kotzebue, Grillparzer et Körner et leurs disciples théâtraux nous a conduits à cette désastreuse confusion intellectuelle et morale qui a frappé ces régions en 1941⁵⁵. Ainsi, parmi les dramaturges romantiques croates, il n'en restait plus aucun selon lui qui méritait la moindre tentative de réhabilitation scénique, contrairement à – avec raison parce que scéniquement encore vital – Sterija chez les Serbes.


Ni des dramaturges de l'ère du réalisme, qu'il classe dans la lignée de Sardou. Donc parmi les auteurs d'une pièce dite « bien faite », Krleža ne pense en bien : Rorauer appartenait à la noblesse magyare conservatrice (...) Plus libertin que libéral, Rorauer a traité à la manière de Sardou le problème du triangle, la question de l'adultère dans le mariage bourgeois⁵⁶. Qu'il y ait de tels détails psychologiques parmi les sujets dramatiques ou comiques de Rorauer, qui méritaient d'apparaître sur la scène comme témoignages sur l'homme, je ne le sais pas. Et Marijan Derenčin⁵⁷, l'auteur de notre comédie politique la plus réussie de la fin du siècle - L'Opposition de campagne (qui n'est pas mentionnée ici !) – était pour Krleža un dilettante en politique et il est resté malheureusement - un dilettante aussi sur scène.


Le round suivant de la joute de Krleža avec notre passé dramatique du xɪxe siècle est incorporé dans son texte programmatique Sur quelques problèmes de l'encyclopédie. Selon la note imprimée à la fin, il s'agit du Discours introductif à la première réunion des rédactions républicaines de l'Encyclopédie⁵⁸, le 27 janvier 1952 à Zagreb.⁵⁹


Les krležologues qui ont traité cet essai⁶⁰ plus en détail sont unanimes dans leur conclusion : il ne s’agit pas seulement de prolégomènes programmatiques pour la future Encyclopédie de la Yougoslavie, mais aussi de l'aspiration de l'auteur à régler ses comptes avec les dogmes millénaires ancrés dans l'histoire politique et culturelle des peuples slaves du sud.


Bien que la partie du texte dans laquelle Krleža se réfère principalement au drame romantique croate, mais aussi en partie au drame romantique serbe, soit une sorte de large correction de certaines pensées déjà exprimées dans ce qu'on appelle la Conférence d'Osijek de 1928, on retrouve également dans ce passage des résumés de quelques points de vue issus de l'essai Sur notre répertoire dramatique : les ombres des rois morts en armure, dans un décor historique de splendeur romantique, avec des épées recouvertes de velours, parlaient de Liberté, de Chevalerie, d'Idées politiques d'« Indépendance et d'Émancipation du peuple » à la manière alors courante dans le drame historique allemand, l'épigone du drame shakespearien. En fait, c'était une prédication du pathos carolingien d'Aix-la-Chapelle dans un milieu qui pourrait être définie par la citation d'Ivan Cankar : « Tant pis pour cette quincaillerie, les meilleurs sont des poulets panés »⁶¹ ! Ce drame historique comme jeu propédeutique pour la conscience historique ultérieure n’était ni historique ni dramatique (…) Dans la seconde moitié du xɪxe siècle, nos théâtres nationaux sont devenus une estrade politique, où l'acteur a joué le rôle d'agitateur, et le Kosovo, Zrinski, Siget, les Lazar, les Mères des Jugović, Uroš IV et les Turcs sous Sisak, des divisions entières de rois, de Tomislav et Teuta à Ljutovid et Šubić, jusqu'à Frankopan, Simeon et Svačić⁶², tout cela prêchait selon les idées et la technique d'Iffland, Kotzebue, Eckartshausen, Schiller, Goethe, Körner et Grillparzer, des programmes de droit étatique, légitimiste, royaliste et dynastique, en fonction des besoins, des circonstances et des conjonctures, ne se différenciant de contrée en contrée que par différentes expressions de dilettantisme sans queue ni tête. « Pera Segedinac » et « Stanoje Glavaš »⁶³ simulent l'atmosphère pour des soulèvements anti-turcs, et Katarina Zrinska ou Le Siget de Nikola Šubić répandent parmi les Croates cette désastreuse confusion intellectuelle et morale, qui apparaît comme un réactif de la mégalomanie de Ljubomir Nedić⁶⁴ jusqu'à la conception monarchique serbe de la Yougoslavie de 1918-40 officialisée dans la « Constitution de Vidovdan »⁶⁵ (1921).


Il est tout à fait clair que Krleža dans ces textes évalue de manière extrêmement négative, à plusieurs reprises et à différents moments, notre drame de la période du romantisme ainsi que celle aux caractéristiques stylistiques et dramaturgiques du réalisme. En outre, il n'entre pas dans ses significations dramaturgiques, mais, surtout lorsqu'il s'agit de drame historique, traite de ses couches thématiques ainsi que de l'amalgame produit par l'incorporation principalement des drames romantiques allemands (inspirés bien sûr aussi de Shakespeare) en allant de Schiller à Grillparzer. Or, que ce drame fut une des causes de la folie de 1941 est certainement une hypothèse arbitraire et hyperbolique, que cette partie de notre patrimoine dramatique ne méritait pas. Il est vrai que la plus grande part de la littérature dramatique croate du xɪxe siècle n'a pas survécu à son époque, mais c'est précisément au temps de sa genèse que ce corpus a joué un rôle très important dans la formation de l'imaginaire scénique du théâtre croate, qui, entre Šenoa et Miletić (en tant que directeurs artistiques), est devenue un facteur important de professionnalisation et de stabilisation de la pratique théâtrale nationale. Le drame historique aux déterminants thématiques et dramaturgiques romantiques n'a vraiment pas franchi le seuil de la modernité de marches perceptibles, mais ce sont les comédies, et les pièces populaires, avec Nemčić, Freudenreich, Šenoa, Tomić et Derenčin, malgré toutes leurs faiblesses, qui ont néanmoins laissé une trace dans notre répertoire ultérieur. Or, au sujet de cette section de notre patrimoine, chez Krleža on ne trouve pas un mot. Et s'il est même mentionné incidemment, alors c'est toujours dans un contexte négatif.



 Krleža parlera pour la première fois de drame de le Modernité dans l'essai polémique renommé, Le Mensonge littéraire croate. Au moment du rejet complet de l'administration du Théâtre National Croate de Zagreb de ses Légendes de jeunesse (ce qui donnera lieu aux polémiques bien connues qu'il aura avec l'administrateur et metteur en scène Josip Bach), tirant un trait sur le bilan de la Modernité, l'auteur se consacre à son segment théâtral aussi. Les premières étincelles s'enflamment alors à l'encontre de ses contemporains – les éminents dramaturges modernistes croates : tout ce qu'on appelle littérature croate n'est qu'un pauvre papier peint ornemental. Ce sont ces gens qui drapent la sphère de leur âme de motifs subtils, des décorateurs et des tapissiers insignifiants, et malades et débiles (...) Ce ne sont que des enjolivures et des martinets, et les lampes à huile, et le reflet de reflets éteints depuis longtemps, des échos de l'écho primaire muet depuis très longtemps. Oh, tous ces vers, ces rimes, ces sonnets, ces nouvelles et les drames, et tout cela visiblement emprunté et remodelé, tout cela est tellement horrible et tout est si creux et si inutile. Ce sont des amoncellements de traits et de traits sentimentaux, il y a tellement de traits qu'on ne peut même pas y voir de littérature. Ici, seulement l'indice d'une pique polémique dirigée contre Vojnović (les martinets et les lampes à huile), qui plus tard deviendra meurtrière dans le final du célèbre pamphlet Ivo Vojnović : Vojnović n'est pas un écrivain, mais un amateur passionné et un dilettante littéraire⁶⁶, et cette intolérance envers l'écrivain de Dubrovnik se poursuivra dans l'essai sur le répertoire.

Lors de la conférence d'Osijek, six ans après l'avoir presque humilié dans la République littéraire, Krleža se montrera un brin plus conciliant envers Vojnović : Si l'on avait pu apprendre quelque chose dans le cadre de notre littérature scénique, ce n'était pas beaucoup : un peu de la rhétorique avec Vojnović et du symbolisme avec Kosor. En dehors du « Feu des passions » de Kosor, toute notre époque moderne n'a pas produit de drame, parce que la rhétorique de Vojnović est une nuisance plus grande et fondamentale pour lui seul ; en tant qu'exemple d'école, elle a agi comme le pire poison pour les dialogues dramatiques de ceux qui écrivaient dans son ombre. En tant que représentants les plus éminents de notre drame moderne, Vojnović et Kosor ont reçu une note de circonstance presque misérable, et la confrontation de Krleža avec Vojnović connaîtra sa finale amèrement ironique en 1948 dans l'inventaire de l'auteur du patrimoine dramatique croate.


La Trilogie de Dubrovnik de Vojnović⁶⁷ pour Krleža est tout simplement typique de notre lamentation sur le déclin de la noblesse et de la seigneurie petit-bourgeoise – achziger Jahre⁶⁸ – soi-disant aristocratique, austro-croato-magyare (…) Les poupées de Vojnović comme des « antiquités et des momies » parlent de leurs ancêtres, comme si réellement leurs grands-mères comtesses « sautillaient » des contre-danses avec les seigneurs impériaux, (et tout) ce qui représente ici le peuple croate dans cette comédie est impuissant et passif sur scène dans une telle mesure qu'il dérange tout spectateur dont le goût n'est pas gâté par le snobisme arrogant viennois ou le sang bleu vénitien. Étant donné que le poète ne prête pas l'oreille aux parlés populaires et à la logique, que la scène dans Le Crépuscule⁶⁹ entre la patricienne Mara Beneša et le marchand Vaso n'est pas ennuyeuse seulement parce qu'elle est par rapport à Držić dans un retard de trois cent cinquante ans, Krleža, paraphrasant les paroles résignées du seigneur Lukša comte Menze du final de La Terrasse⁷⁰, sur un mode ironique, accompagnera tous les personnages de notre littérature aristocrétine – au lit : era già l'ora - qu'ils soient tous allés se coucher...


Néanmoins, à la fin de l'essai, sous forme d'un catalogue lapidaire, quand il comptera dans notre répertoire dramatique ce qui est resté sous un point d'interrogation et ce qui mérite la peine d'une plus ample vérification littéraire et scénique, l'auteur énumérera toutes les œuvres de Vojnović destinées au théâtre, ce qui est en totale contradiction avec ses jugements antérieurs négatifs sur l'écriture du Comte. À peine après l'avoir accompagné définitivement au lit, il propose désormais de réviser la valeur de ses drames !


Il est étrange qu'il suggère la même chose pour les tragédies romaines de Tresić Pavičić⁷¹ alors qu'il est déjà établi au début du siècle et confirmé par la pratique scénique qu'elles ne remplissent aucune condition pour revivre sur scène. Parmi les auteurs modernes sur lesquels s'est suspendu le point d'interrogation de Krleža se trouve aussi Tucić avec quatre drames (Le Retour, La Maison putride, Golgotha et Les Libérateurs), et il s'est avéré plus tard que seul Le Retour pouvait occasionnellement susciter l’intérêt des acteurs et des metteurs en scène⁷². Ils sont ainsi énumérés - sans qu'aucun titre soit mentionné - les noms d'Ogrizović, Galović, Pecija Petrović⁷³ et, étonnamment, Ivakić. Krleža s'intéresse ensuite à trois drames de Kosor (Le feu de la passion, La Réconciliation, La Femme), et conclut la liste avec « les choses » de Milan Begović, à savoir des œuvres indéfinies d'une détermination de genre, péjorative et inexistante.


Mais qu’est-ce qui a réellement survécu de ce catalogue ? Deux à trois drames de Vojnović (Équinoxe, la Trilogie et occasionnellement Mascarade), de temps en temps un Kosor (Le Feu de la passion), L'Hasanaginica d'Ogrizović, Ivakić sur le plan local⁷⁴, principalement au niveau amateur, de Galović (malheureusement) rien, et également - mais à juste titre - rien de Pecija et Tresić Pavičić. Parce que « les choses » de Begović - en particulier L'aventurier devant la porte⁷⁵ et Sans le troisième - dans les années trente du siècle dernier, n'étaient pas seulement nos succès, mais aussi ceux mondiaux de l'auteur⁷⁶, or ce fait, comme il est bien connu, Krleža ne l'a pas volontiers accepté, et il s'est exprimé dans ses notes quotidiennes sans tact pour son ancien ami. Un lecteur plus attentif sur cette liste remarquera, à la fin, qu'il manque un nom important: celui de Janko Polić Kamov, le porte-parole de notre avant-garde dramatique⁷⁷. Mais la relation (même virtuelle) entre Krleža et l'œuvre de Kamov était si compliquée que l'absence de ce nom dans l'anthologie de Krleža n'est pas une surprise.


Ce bilan concis, presque filtré, de la Modernité du théâtre croate, n’est finalement pas si réduit si l'on pense à toutes les jugements de Krleža sur cette période, qu'il a exprimés dans ses textes, analysés ici, composés entre 1919 et 1948. Comme si le bilan final était écrit d'une main plus bienveillante par rapport à d'intolérants points de vue précédents.


En fin de compte, on pourrait aussi s'interroger sur la raison de cette rigueur dans les positions, par endroits même presque exclusives, de Krleža. Elles sont évidemment le résultat de sa volonté de posture polémique permanente qu'il occupait, par rapport à nos circonstances culturelles, consciemment déjà dans la première phase de sa vie littéraire. Mais elles sont aussi le résultat d'une monologuisation de la polémique par l’auteur. Car, comme l’écrit Krešimir Bagić, Krleža, contrairement à Matoš qui accepte le dialogue dans la polémique, entre dans l'arène polémique avec une expression grincheuse au visage. Il ne dialogue pas avec ses adversaires, mais en dresse le portrait. Pour certains d'entre eux, des portraits souvent caricaturaux, nous l'avons aussi vu dans ces confrontations avec notre patrimoine dramatique et théâtral. Dans ce type de duel, les adversaires n'avaient aucune possibilité de réponse. Et s’ils avaient pu l’obtenir, il est difficile de croire qu'ils auraient réussi à parer les quintes d'escrime implacables de Krleža. Même si dans sa jeunesse il était connu comme un habile bretteur sur les pistes, il semblerait qu'il s'est trop exalté par moments dans ce combat et qu'il ne traitait pas toujours ses concurrents avec une noblesse irréprochable.



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KRLEŽA’S DUEL WITH OUR DRAMATIC HERITAGE

S u m m a r y


The author discusses Krleža’s relation with Croatian dramatic heritage based on his books and work: Hrvatska književna laž, Plamen 1, Zagreb, 1919; Moj obračun s njima, Zagreb, 1932; O našem dramskom repertoireu – povodom 400. godišnjice držićeve ‘Tirene’, Djelo, Zagreb, 1948, br. 1; O nekim problemima enciklopedije, Republika, Zagreb, 1953, br. 2-3; and Iz hrvatske kuturne historije, Eseji III Zagreb, 1963.

The occasions and motives on when Krleža’s assessments of our dramatic heritage appeared were different: in their valorisation, one should thus bear in mind the time when they appeared, then, Krleža’s current position in our literary life, and also the political constellations which influenced the author’s reactions. Krleža’s judgements during these thirty years, somewhere and somewhat, however not always, changed radically, but his intention in assessing Croatian dramatic heritage was always clear: explicitly polemic, and often coloured in bright shades, and, in some paragraphs, significantly defamatorily intoned. It was hence interesting to observe in which segment of Krleža’s biography and in which period of the author’s participation in Croatian literary life do his polemics with our dramatic heritage appear and assess their meaning within Krleža’s critical corpus.



Traduction de Nicolas Raljevic

Relectures de Miloš Lazin





1 Essai publié pour le première fois, en croate, in Dani Hvarskoga kazališta : Građa i rasprave o hrvatskoj književnosti i kazalištu, n° 1, 2007. Nikola Batušić (Zagreb, 18 février 1938 – Zagreb, 22 janvier 2010) était un universitaire, critique et théâtrologue, auteur d'une Histoire du théâtre croate qui perdure comme une référence (1978, 2019). La plupart des notes explicatives qui accompagnent cet article sont ajoutées par le traducteur pour faciliter la communication de lecteur français avec des données culturelles et théâtrales croates.


2 Les smješnice croates sont des comédies en prose apparues durant la seconde moitié du xvɪɪe siècle à Dubrovnik et ses alentours. Smiješno : 1. adv. risiblement, ridiculement; 2. n. ridicule ; smiješnost : ridicule, comique ; smješkati : sourire, ricaner ; smješljiv : adj, rieur, qui aime à rire, enjoué, gai, joyeux, jovial. (D'après Dictionnaire croate-français, Jean Dayre, Mirko Deanović, Rudolf Maixner, éd. Dominović, Zagreb, 1996.) Auparavant qualifiées de comédies de la Renaissance (renesansne komedije) ou de comédies érudites dérivées (derivirane eruditne komedije), le terme de smješnice apparaît pour la première fois dans l'historiographie littéraire croate sous les plumes de Slobodan Prosperov Novak et Josip Lisac en 1984. En français, le terme de drôleries désignerait peut-être de la façon la plus proche ce genre théâtral populaire à Dubrovnik à l'âge classique.


3 Les Frančezarije (« les françaiseries ») sont des comédies inspirées par les classiques français, dont Molière fit l'objet des plus nombreuses adaptations à Dubrovnik aux xvɪɪe et xvɪɪɪe siècles. Voir Deux « moliérades croates », Prozor-éditions, 2022.


4 « O našem dramskom repertoireu – povodom 400 godišnjice Držićeve Tirene » (À propos de notre répertoire dramatique – à l'occasion du 400e anniversaire de Tirena de Držić), Djelo, Zagreb 1948, n°1, pp. 34-40.


5 Les Légendes (Legende) regroupent les œuvres théâtrales de la jeunesse jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Trois d'entre elles sur un total de sept pièces en un acte sont traduites en français : « Salomé », Modernist, Varaždin, 2023, pp. 189-224 ; « La Foire royale », in N. Govedić (éd.), Une parade de cirque. Anthologie des écritures contemporaines de Croatie, l'Espace d'un instant, Paris, 2012, pp. 61-70 ; « Adam et Eve », in Most/The Bridge, Zagreb, 2003, n° 2/3, pp. 99-107.


6 La « Modernité » (Moderna) désigne un courant de l'art littéraire, pictural et musical, et de la philosophie, en Croatie, dans la période entre la fin du xɪxe siècle et le début du xxe siècle. En accord avec les courants de cette époque en Europe, ce modernisme croate a affirmé la liberté de la création artistique, le choix subjectif et la coexistence des styles, et il a plaidé pour sortir d'une poétique réaliste et aspiré à une plus grande perfection formelle de l'œuvre. Le modernisme croate peut se diviser en deux phases : la première de 1895 à 1903 dans laquelle sont établis les cadres théoriques du mouvement, et une deuxième, jusqu'en 1914, au cours de laquelle se développent les vues artistiques, affirmées pleinement dans l'anthologie La Jeune poésie croate (1914) réunissant douze jeunes poètes en l'honneur d'Antun Gustav Matoš (1873-1914), poète, nouvelliste et polémiste crucial de cette époque. L'intérêt pour les états psychiques est aussi caractéristique de la production dramatique, ce qui se confirme particulièrement dans la création littéraire d'Ivo Vojnović.


7 Voir les références : Enes Čengić « S Krležom iz dana u dan ». Krležijana - 1993. (mrežno izdanje). Leksikografski zavod Miroslav Krleža, 2023.


8 « Hrvatska književna laž », Plamen, 1, Zagreb 1919, pp. 32-40.


9 Moj obračun s njima, Zagreb 1932.


10 Op. cit.


11 « O nekim problemima enciklopedije ». Republika, Zagreb, 1953, 2–3, pp. 109-132. Rédaction finale dans le livre des Eseji V (Essais V), Zagreb 1966.


12 Iz hrvatske kulturne historije, Eseji III (Essais III.), Zagreb 1963. Dans cette édition, l’essai a été publié pour la première fois dans son intégralité. Cependant, la partie sur Tituš Brezovački figure déjà dans les « 133 variations sur divers thèmes » de l'auteur, Republika, 7-8, Zagreb 1959, p. 4–5, avec la remarque de la rédaction (ou de l'auteur) ML, l'abrévation pour marginalia lexicographica. Le texte est donc écrit entre 1952 et 1957 comme commentaire de Krleža de l'entrée lexicographique sur Tituš Brezovacki pour l'Encyclopédie de Yougoslavie. Le même texte, sans aucune modification, paraîtra également dans les livres d'essais de Krleža 99 variations (éd. M. Lončar), Belgrade 1977, puis Eseji. Kritike. Polemike, Putopisi, Dnevnici, Zapisi (Critiques. Polémiques. Récits de voyage. Journaux. Écrits), Sarajevo – Zagreb, 1977 et dans Thèmes de l'Histoire (édité par I. Frangeš), Sarajevo, 1985.


13 A. Flaker, « Hrvatska književna laž », dans Krležijana, Tome 1, Zagreb 1993, p. 343.


14 Le mouvement bogomile (du nom de son fondateur le prêtre Bogomil, mais mouvement connu comme patarin au sud-ouest français) a pris naissance au xe siècle en Bulgarie. Il s'est propagé dans les pays balkaniques avant de s'étendre dans l'Empire byzantin. Inspiré par les gnostiques chrétiens et le manichéisme, il fut perçu comme une hérésie et combattu par les Églises nicéenne, romaine et byzantine. Ante Starčević, né le 23 mai 1823 et mort le 28 février 1896 à Zagreb, est une personnalité politique et un écrivain croate. Il défend des positions nationalistes visant à l'indépendance de la Croatie. Silvije Strahimir Kranjčević (1865-1908) était un écrivain dont la poésie marque un changement par rapport au romanticisme et nationalisme de la littérature.


15 Le kaïkavien (« kajkavski » en croate) est une variété du croate, parlée notamment dans la région de Zagreb et du Hrvatsko Zagorje.


16 Marin Držić (1508-1567) est considéré comme le plus grand dramaturge croate de la République de Raguse, l'ancienne Dubrovnik. Tirena est une pastorale en vers datée de 1549.


17 Jovan Sterija Popović (1806-1856), un des représentants des Lumières chez les Slaves de sud, intellectuel et poète serbe de la région hongroise de Voïvodine, mais agitateur culturel et ministre de l'éducation dans la principauté de Serbie (1840-1848), où il a développé une intense et continuelle activité théâtrale professionnelle. Auteur d'une bonne vingtaine de « pièces facétieuses », « pièces tristes » et « spectacles historiques », il est aujourd'hui vu et joué comme « père de la comédie serbe », serbica.u-bordeaux-montaigne.fr. Des traductions françaises : L'Avare ou Kir Janja, Institut d'études slaves, 2023 ; Les patriotes, KOV, Vršac, Serbie, 2004. Branislav Nušić (1864-1938), gérant des théâtres, écrivait aussi des tragédies historiques, des mélodrames, mais ses pièces comiques (près de vingt cinq : synthèse de comédie satyrique de Gogol et de comédie de mœurs, d'intrigue et de caractère à la Scribe et Sardou) ont établi un standard comédiographique, surtout dans la littérature serbe, varié jusqu'à nos jours, serbica.u-bordeaux-montaigne.fr.


18 B. Senker dans la référence « À propos de notre répertoire dramatique », Krležijana, vol. 2, p. 118-119, Zagreb 1999.


19 Sur la genèse de ce texte, cf. note 12.


20 Mavro Vetranović Čavčić (Dubrovnik, 1482 ou 1483 - Dubrovnik, 1576) est un moine et écrivain bénédictin, l'un des poètes les plus prolifiques et les plus anciens de la littérature croate classique. Il a défendu Držić qui était accusé de plagiat dans sa Tirena.


21 Nikola Nalješković (Dubrovnik, vers 1500 - Dubrovnik, 1587) est un poète, dramaturge et scientifique, considéré comme une figure centrale dans la littérature classique ragusaine.


22 Marko Marulić (Split 1450 – id. 1524) est un écrivain de Raguse d'expression latine et croate. Entré dans les ordres, il a composé en latin des ouvrages de théologie, d'histoire et de politique (De institutione bene vivendi, 1504 ; Quinquaginta parabolae, 1510), mais il est devenu célèbre par ses poésies en croate, notamment Judita, poème épique, écrit en 1501, publié en 1521, traduction française de Charles Béné : La Judith, Zagreb, 2002.


23 Concernant les metteurs en scène croates de xxe siècle mentionnés ici par N. Batušić voir Raljević (éd), Petit lexique du théâtre croate, Prozor-éditions, 2020.


24 Hvar est une île croate de l'Adriatique et une ville qui possède un petit théâtre Renaissance au décor néobaroque.


25 Voir les traductions françaises des pièces de Držić par N. Raljevic publiées chez Prozor-éditions : Skup, la comédie de l'Avare, Dundo Maroje (2019, 2021) et La farce faite à Stanac sur https://akademija-art.hr (2021).


26 M. Krleza, « Le planétarium », in recueil de poèmes de M. Krleza, Les balades de Petritsa Kerempuh, « traduit du kaïkavien par Janine Matillon », Publication Orientaliste de France, Paris, Collection U.N.E.S.CO. D'œuvres représentatives, Série européenne, 1975, pp. 163 et 166.


27 Junije Džono Palmotić (Dubrovnik, 1607 - Dubrovnik, 1657), poète et dramaturge baroque. Il écrit des mélodrames dans lesquels le monde mythologique alterne avec le monde chevaleresque, se servant de modèles dans des épisodes d'Ovide, Virgile, Le Tasse et l'Arioste.


28 Dominko Zlatarić (Dubrovnik, 1558 - Dubrovnik, 1613) était un poète et traducteur de la Renaissance.


29 Fran Lukarević Burina (1541 - 1598) était un poète de la Renaissance et traducteur de Dubrovnik. Il a écrit en croate et en italien. Seuls quatre de ses poèmes ont été conservés, qui sont des traductions des tragédies de Girolamo Zoppi et Guarini.


30 En français dans le texte.


31 August Ivan Nepomuk Eduard Šenoa (Zagreb, 14 novembre 1838 – Zagreb, 13 décembre 1881) était un journaliste et écrivain reconnu comme le plus influent et le plus prolifique du xɪxe siècle et considéré comme le véritable créateur de la littérature croate moderne. (Voir son roman Prends garde à la main de Senj, Éditions Faustine, 2023).


32 Ivo Vojnović (né le 9 octobre 1857 et mort le 30 août 1929) est un écrivain croate puis yougoslave, originaire de Dubrovnik. Il portait un titre de « comte » conféré à ses ancêtres par la République de Venise. Il est considéré comme le dramaturge moderne le plus éminent de Dubrovnik, dernier grand écrivain de la ville. La Trilogie de Raguse est son œuvre dramatique la plus célèbre et comprend les drames Allons enfants, Crépuscule et Sur la terrasse, présentant la chronique de la chute de la République de Raguse et la décadence de son aristocratie. Ksaver Šandor Gjalski, de son vrai nom Ljubomil Tito Josip Franjo Babić (Gredice, Zabok, 26 octobre 1854 – Gredice, Zabok, 9 février 1935) a écrit des romans, des nouvelles, des chroniques, des articles littéraires, des essais philologiques et des débats politiques et historiques. Vjenceslav Novak (Senj, 11 septembre 1859 – Zagreb, 20 septembre 1905) est un romancier, publiciste, critique musical et pédagogue.


33 Nije vsaki cipeliš za vsaku nogu.


34 Komos ou comos (lat. comus) est une appellation dans la Grèce antique des processions post-festives à travers la ville accompagnées de la danse et de la musique et liées au culte de Dionysos.


35 August Friedrich Ferdinand von Kotzebue, né à Weimar le 3 mai 1761 et mort assassiné à Mannheim le 23 mars 1819, est un juriste et polémiste conservateur, fonctionnaire auprès des services impériaux russes, mais surtout auteur de presque 200 pièces, d'une naïveté et d'une efficacité qui lui ont assuré un succès européen dès son vivant. La structuration de ses drames et, surtout, des comédies annonce, pour certains, le brio de la maîtrise comédio-graphique de Scribe et Sardou.


36 Matija Jandrić (Petrinja, 1778 — Cirkvena, 13. II. 1828), traducteur et écrivain. Dans Ljubimirović, il a traduit et relocalisé à Zagreb la comédie Vero amico de Goldoni.


37 Tomaš (Tomo) Mikloušić (Jastrebarsko, 27. X. 1767 – Jastrebarsko, 7. I. 1833). Il est l'un des écrivains qui ont ouvert la voie au renouveau national croate et l'un des derniers défenseurs du dialecte kaïkavien comme langue littéraire.


38 Pavao Štoos (Dubravica, 10 décembre 1806 – Pokupsko, 30 mars 1862) était un poète, prêtre et réformateur populaire.


39 Ignjat (Ignac) Kristijanović (Zagreb, 31. VII. 1796 – Zagreb, 16. V. 1884), écrivain, grammairien et traducteur d'ouvrages pieux et profanes dans lesquels il utilisait le kaïkavien comme langue littéraire.


40 « ... glupo doba » : N. Batušić se demande, après vérification, si une faute typographique n'est pas ici présente : selon lui, il faudrait peut-être entendre « gluho » (sourde) et non « glupo » (stupide).


41 Pas dans la première édition du livre de 1969, comme il l'écrit dans Krležijana, vol. 1, Zagreb 1993, p. 78, mais seulement dans la deuxième édition des Conversations avec Miroslav Krleža (Zagreb 1971), lorsque les auteurs ont ajouté le chapitre « Poésie et destin », qui dans la troisième édition (Belgrade 1974) sera intitulé « Poésie et destin ou sur la genèse des Ballades ».


42 À savoir le parlé « kaïkavien ».


43 Katarina Patačić (née Keglević, 1745-1811), signe en 1781 le premier recueil de poésie d'amour en kaïkavien, dont la moitié des 31 poèmes sont les traductions de l'italien, le reste d'auteurs incertains (les siens ?).


44 Fran Galović (1887-1914), nouvelliste et poète, cherchant à mettre en vers différents parlés de peuple croate, il tente dans près d'une trentaine de pièces, souvent courtes, l'harmonie entre des sujets réels (ou historiques) et leurs expressions surnaturelles.


45 M. Krleža, « Dijalektički antibarbarus », Pečat, 8–9, Zagreb 1939, pp. 126.


46 Les Ballades évoque en « 2895 vers, répartis en 34 ballades de diverse importance (de 12 à 678 vers) […] le drame séculaire d'un petit peuple que l'histoire a laissé de côté, le peuple croate » (présentation du recueil par sa traductrice Janine Matillon, voir la note 26, p. 8-9). Ces « sombres poèmes » évoquent l'étouffement de tous les soulèvements du peuple croate du xvɪe au xxe siècle.


47 Concernant Ksaver Šandor Gjaski, voir la note 32.


48 Dimitrios Dimitriou - Dimitrija Demeter, (1811-1872) était un écrivain et dramaturge. Son œuvre littéraire fait partie des plus grandes réalisations du renouveau populaire croate et se caractérise par des traits romantiques distincts. Franjo Marković (1845-1914) écrivain et philosophe qui avec A. Šenoa, I. Dežman et I. Trnski, a fondé la revue Vienac, dans laquelle il était également critique de théâtre, et en 1872, directeur. Ante Tresić Pavičić (1867-1949), écrivain et homme politique, a écrit des poèmes, des pièces de théâtre sur des motifs de l'histoire nationale et classique. Eugen Kumičić (1850-1904), écrivain et homme politique, il est considéré comme le leader du naturalisme dans la littérature croate et a acquis une grande popularité grâce à ses romans historiques, des pièces de théâtre et des romans à thèmes sociaux.


49 Milivoj Dežman Ivanov (1873-1940), critique littéraire et théâtral, écrivain, journaliste et médecin. En tant qu'acteur culturel et littéraire, il fonda la revue littéraire moderne croate Mladost à Vienne en 1898, puis fut rédacteur et associé aux plus importantes revues modernistes Hrvatski salon (1898) et Život (1900-1901).


50 Stjepan Miletić (1868-1908), il reprend la direction du Théâtre national croate de Zagreb en 1894 et mène une série de réformes administratives, techniques et artistiques : il introduisit le poste d'intendant, l'éclairage électrique, rénova l'Opéra et fonda la première école de théâtre en Croatie. En 1895, lors de sa deuxième saison en tant qu'intendant, il déménagea le théâtre dans un nouveau bâtiment, inauguré par François-Joseph Ier, empereur d'Autriche et roi apostolique de Hongrie. Miletić a dirigé le Théâtre national pendant seulement quatre saisons, mais a laissé une marque indélébile dans la vie théâtrale croate.


51 Soit tout le xɪxe siècle de la dramaturgie croate.


52 Unité territoriale sous l'autorité d'un pacha dans l'empire ottoman.


53 De 1740 à 1873, l'Autriche, puis l'Autriche-Hongrie, « ceinturaient » dans les Balkans leurs frontières avec l'empire ottoman, par un « no man's land » (les « Confins militaires », nem. Militäiregrenze », lat. confinium), contrôlé majoritairement par la population serbe et croate, dans une obligation permanente de garde (avec leur famille sur place), mais aussi de mobilisation à l'occasion de toute guerre menée par la Monarchie dans l'Europe entière.


54 Les continuateurs des idéaux de Svetozar Marković, l'instigateur des idées socialistes en Serbie, dominent la scène politique locale à partir de 1875, oscillant entre protestation, révoltes contre le prince ou le monarque et dominations dans le Parlement. Leur leader charismatique, Nikola Pašić (1845-1926), a vers la fin de sa carrière politique présidé la délégation du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, nouvellement créé, à la Conférence de la paix à Versailles en 1919. Depuis 1991, le mouvement ultranationaliste de Vojislav Šešelj se présente comme un « Parti radical serbe », continuateur des radicaux du xɪxe siècle.


55 Krleža ici fait allusion au partage de la Yougoslavie et à l'imposition par Hitler et Mussolini de la dictature oustachie d'Ante Pavelić dans la Croatie soit disant « indépendante ».


56 Julije Rorauer (1859-1912), juriste, fonctionnaire, mais aussi traducteur du français et auteur de comédies de salon « à la française ».


57 Marijan Derenčin (Rijeka, 24 septembre 1836 – Zagreb, 8 février 1908), écrivain, avocat et homme politique. Il a écrit plusieurs œuvres dramatiques et satires sur la situation pendant l'autoritarisme du ban de Croatie Khuen, ainsi que des pièces de théâtre, pour la plupart satiriques.


58 La structure rédactionnelle de l'Encyclopédie de la Yougoslavie correspondait à l'organisation fédérale du pays, donc chaque unité fédérale avait sa rédaction encyclopédique et était responsable des sujets qui lui correspondaient.


59 Dans l'annonce sous le titre du texte de Krležijana, vol. 2, il est indiqué que le texte a subi des modifications mineures dans les éditions ultérieures.


60 Il s'agit notamment de Mate Lončar et Velimir Visković.


61 Extrait de la pièce Hlapci (Les Valets). Ivan Cankar (1876-1918), classique du théâtre et du drame slovène, bâtisseur du théâtre social et « engagé » dans les littératures yougoslaves du xxe siècle.


62 Les personnages et localités emblématiques de l'histoire romancée, autant croate que serbe, au xɪxe siècle.


63 Tragédies historiques des poètes serbes Laza Kostić et Djura Jakšić, glorifiant et pleurant les soulèvements populaires (serbes) dans les Empires austro-hongrois et ottoman.


64 Ljubomir Nedić (1858-1902), était un philosophe et critique littéraire conservateur serbe.


65 La première constitution de Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (la « Yougoslavie » à partir de 1929), qui impose l'autocratisme de la dynastie et des politiciens serbes sur tous les peuples des Slaves de sud confédérés.


66 M. Krleža « Ivo Vojnović », Književna republika, 4, Zagreb 1924.


67 Traduction française chez Prozor-éditions, 2017.


68… les années quatre-vingt de xɪxe siècle, quand la Croatie faisait partie de l'empire des Habsbourg.


69 Deuxième partie de la Trilogie de Dubrovnik.


70 Troisième partie de Trilogie.


71 Ante Tresić Pavičić (Vrbanj sur l'île de Hvar, 10 juillet 1867 – Split, 27 octobre 1949), écrivain et homme politique. Dans son œuvre dramatique, il s'est préoccupé de thèmes du passé national et romain, c'est pourquoi parmi les pièces historiques, on peut citer Katarina Zrinjska et Ljutovid Posavski, ainsi que la tétralogie Finis Reipublicae.


72 Voir Srgjan Tucić, Le Retour, Golgotha, Prozor-éditions, 2019.


73 Voir les traductions de certaines pièces de ces auteurs in N. Raljevic (éd), L'arrière pays croate au début du XXe siècle. Petite anthologie d'ethno-théâtre, Prozor-éditions, 2022.


74 Mihovil Ivakić (Kaštel-Štafilić, 29. VI. 1752 — Kaštel-Štafilić, 11. IV. 1831). Il a traduit les Saintes Écritures en croate et a ajouté de nombreuses notes à la traduction du traducteur et commentateur italien Antonio Martini.


75 Traduction française in M. Begović, Un aventurier devant la porte, Zagreb, Strasbourg, 1999. Pour d'autres traductions de Begović voir N. Raljevic, op. Cit., 2022 et Un yacht américain dans le port de Split suivi de Venus Victrix, Prozor-éditions, 2017.


76 Voir les préfaces et postfaces des livres de Begović mentionnés dans la note précédente.


77 Voir N. Popović/D. Šimpraga/Y.-A. Tripković (éds.), Le fantôme de la liberté, Durieux-Zagreb, Theatroom-Paris, 2016, pp. 357-390, www.theatroom.agency. Voir dans le même recueil la « fresque » biographique de Slobodan Šnajder, Kamov – Thanatographie d'un jeune poète croate, pp. 391-478.


75 Traduction française in M. Begović, Un aventurier devant la porte, Zagreb, Strasbourg, 1999. Pour d'autres traductions de Begović voir N. Raljevic, op. Cit., 2022 et Un yacht américain dans le port de Split suivi de Venus Victrix, Prozor-éditions, 2017.


76 Voir les préfaces et postfaces des livres de Begović mentionnés dans la note précédente.


77 Voir N. Popović/D. Šimpraga/Y.-A. Tripković (éds.), Le fantôme de la liberté, Durieux-Zagreb, Theatroom-Paris, 2016, pp. 357-390, www.theatroom.agency. Voir dans le même recueil la « fresque » biographique de Slobodan Šnajder, Kamov – Thanatographie d'un jeune poète croate, pp. 391-478.



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