Pays non-alignés 3/4
Tu dois nourrir les oiseaux en toi
Les oiseaux écrivent des poèmes sur la liberté.
Ils n’admettent les conneries de personne.
Tel que je suis ils m'ont conduit jusqu’ici.
C'est le mois de décembre.
Une fois de plus, je n’arrive pas à m’endormir.
La pluie s’est arrêtée.
J'attends la neige
et je nourris les oiseaux en moi.
Le poids
L'amour est un poids de 420 kilos
Il pend à chaque arbre,
Il est dans chaque verre d'eau,
dans chaque réveil quand tu ouvres les paupières,
quand tu lèves les yeux, tu prépares ton café.
Le monde s'est effondré
je délaisse la poésie
délaissons toutes les choses
derrière lesquelles on peut se cacher
il n'y a plus de poèmes
il n'y a plus de films
l'amertume est abandonnée
ce n’est même pas une correspondance
il n'y a pas de réponse à ça
le monde entier s'est effondré
pas à cause des bombes atomiques
pas à cause de la bêtise ou
de la cupidité de l'humanité
comme ils nous affolent
sans relâche chaque jour
pas à cause du cancer ou du sida
pas à cause de la famine
ou de l'égoïsme qui serait
une excuse facile pour tout
le monde s'est effondré
et il n'y a pas de réponse à ça
Chaque goutte
Par la fenêtre ouverte
et la chaleur d'une nuit d'été
perce le son annoncé depuis longtemps.
Ce qui était au début un léger crépitement
se transforme bientôt
en un mur de pluie impénétrable.
Et les nuages enchaînent à nouveau le ciel
tandis que résonnent les explosions.
Je devinerai pour toi
ce qui se passe en ce moment.
Je peux me laisser porter par mon imagination
formée à Mostar
au début des années quatre-vingt-dix.
Je peux accepter
même la paranoïa de l'Amérique centrale
leurs barbelés
leurs clôtures électrifiées
leurs bûchers d'ordures
et les jongleurs des routes à trois voies.
Je peux me laisser porter par le son
qui passe accompagné d’une chaleur humide
à travers des moustiquaires.
Je suis dans
chaque goutte de pluie de la nuit.
traduit par Nikolina Oljača
*
Mehmed Begić, né en 1977 à Čapljina en Bosnie-Herzégovine est poète et l’un des fondateurs et rédacteurs du magazine littéraire de Mostar “Kolaps – guide pour des somnolants urbains”. Il a publié les recueils de poèmes suivants : “En attendant le boucher” (2002), “Poèmes de chambre” (2006), “Une balle parfaite à l’estomac” (2010), “Heures tardives à Managua” (2015), “L’homme dangereux” (2016), “Le temps de morphine” (2018). “Lettres de Panama : jazz de détective” (2018), “Pays non-alignés” (2019), “L’obscurité sauvage” (2020), “ Lettres de Panama ” (réédition, 2021), “L’araignée dans la mescaline” (2021), “Bebop / Hypnose” (2021). Sa traduction des poèmes de Leonard Cohen a été publiée dans le livre “Ma vie d’artiste”, sélection de poèmes (2003). Il traduit également de la poésie hispanophone. Begić fait partie des auteurs présentés dans le livre d’entretiens et de poésie “Car on est nombreux” rédigé par le poète Marko Pogačar. Il collabore avec des musiciens et écrit pour des revues et des portails littéraires.
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Nikolina Oljača a terminé ses études en langue et littérature françaises à Banja Luka, et est actuellement en deuxième année de master dans le domaine de la traduction littéraire à l’Université Sorbonne à Paris.
Dans le cadre de la rédaction de son mémoire de fin d'études, elle travaille sur la traduction du roman Jefferson de Jean-Claude Mourlevat du français vers le BCMS.