Trois traductions de Jugoslav Gospodnetić
Johann Wolfgang Goethe
ERLKÖNIG
Wer reitet so spät durch Nacht und Wind?
Es ist der Vater mit seinem Kind;
Er hat den Knaben wohl in dem Arm,
Er faßt ihn sicher, er hält ihn warm. —
Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht? —
Siehst, Vater, du den Erlkönig nicht?
Den Erlenkönig mit Kron’ und Schweif? —
Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif. —
„Du liebes Kind, komm, geh mit mir!
Gar schöne Spiele spiel’ ich mit dir;
Manch’ bunte Blumen sind an dem Strand;
Meine Mutter hat manch’ gülden Gewand.“
Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht,
Was Erlenkönig mir leise verspricht? —
Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind!
In dürren Blättern säuselt der Wind. —
„Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn?
Meine Töchter sollen dich warten schön;
Meine Töchter führen den nächtlichen Reihn
Und wiegen und tanzen und singen dich ein.“
Mein Vater, mein Vater, und siehst du nicht dort
Erlkönigs Töchter am düstern Ort? —
Mein Sohn, mein Sohn, ich seh’ es genau;
Es scheinen die alten Weiden so grau. —
*
Johann Wolfgang Goethe
LE ROI DES AULNES
Qui chevauche si tard par nuit et vent ?
C’est le père avec son enfant;
Il tient le garçon bien dans ses bras,
Le tient serré pour qu’il n’ait pas froid.
— Pourquoi caches-tu ton visage, mon cher?
— Ne vois-tu pas Roi des Aulnes, père?
Le Roi des Aulnes, sa couronne et traîne?
— Mon fils, mais c'est du brouillard qui traîne.
« Toi, enfant joli, viens avec moi !
Je jouerai maint beau jeu avec toi ;
Des fleurs s'y étalent, multicolores ;
Ma mère a force robes en or. »
— Ô père, mon père, n’entends-tu pas
Ce que le Roi me promet là ?
— Calme-toi, calme, ô mon enfant,
Dans les feuilles sèches susurre le vent.
« Veux-tu venir, joli garçon,
De toi mes filles s'occuperont ;
Mes filles qui mènent la ronde de nuit,
Te berceront en danse et mélodie. »
traduit par Jugoslav Gospodnetić
***
Giacomo Leopardi
L’INFINITO
Sempre caro mi fu quest’ermo colle,
E questa siepe, che da tanta parte
Dell’ultimo orizzonte il guardo esclude.
Ma sedendo e mirando, interminati
Spazi di là da quella, e sovrumani
Silenzi, e profondissima quiete
Io nel pensier nel fingo ; ove per poco
Il cor non si spaura. E come il vento
Odo stormir tra queste piante, io quello
Infinito silencio a questa voce
Vo comparando: e mi sovvien l’eterno,
E le morte stagioni, e la presente
E viva, e il suon di lei. Così tra questa
Immensità s’annega il pensier mio;
E il naufragar m’è dolce in questo mare.
*
Giacomo Leopardi
L’INFINI
Toujours cher me fut ce coteau solitaire
et cette haie qui en si grande partie
exclue le regard du dernier horizon.
Mais assis et contemplant, au-delà s’ouvrent
des espaces infinis, et des silences
surhumains avec des calmes si profonds
qu’en ma pensée je conçois ; d’où le cœur frise
presque l’effroi. Puis, comme j’entends le vent
bruire à travers ces plantes, ce silence
infini à cette voix-ci je compare
aussi me souvient-il de l’éternité
et des saisons mortes, et de la présente
et vivante, et du son propre à elle. Ainsi
dans cette immensité se noie ma pensée,
et le naufrage m’est doux dans cette mer.
(Variante)
Toujours cher me fut ce coteau solitaire
et cette haie qui en si grande partie
exclue le regard du dernier horizon.
Mais assis et contemplant, c’est au-delà
que d'infinis espaces, et des silences
surhumains et des calmes si profonds
dans ma pensée je crée ; d’où le cœur frise
presque l’effroi. Et puis comme j’entends le vent
souffler à travers ces plantes, ce silence
infini à cette voix-ci je compare
aussi me souvient-il de l’éternité
et des saisons mortes, et de la présente
et vivante, et du son propre à elle. Ainsi
dans cette immensité se noie ma pensée,
et le naufrage m’est doux dans cette mer.
traduit par Jugoslav Gospodnetić
***
William Butler Yeats
WHEN YOU ARE OLD
When you are old and gray and full of sleep,
And nodding by the fire, take down this book,
And slowly read, and dream of the soft look
Your eyes had once, and of their shadows deep;
How many loved your moments of glad grace,
And loved your beauty with love false or true;
But one man loved the pilgrim soul in you,
And loved the sorrows of your changing face.
And bending down beside the glowing bars
Murmur, a little sadly, how love fled
And paced upon the mountains overhead
And hid his face amid a crowd of stars.
*
William Butler Yeats
QUAND VOUS SEREZ VIEILLE
Quand vous serez vieille et grise et pleine de somnolence,
Hochant la tête près du feu, prenez ce livre de vers
Et lisez lentement, et rêvez aux douces lueurs
Que vos yeux eurent autrefois, et à leurs ombres intenses ;
Combien aimèrent vos moments d’heureuse grâce,
Et aimèrent votre beauté d’amour vrai ou faux du tout :
Mais un seul homme aima l’âme pèlerine en vous
Et aima les tristesses de votre changeante face.
En vous penchant vers les bûches qui rougies s’exhalent
Murmurez, un peu triste : comme l’amour fut parti
Et passa par-dessus les montagnes et puis
Cacha son visage dans la foule des étoiles.
Traduit par Jugoslav Gospodnetić
*
in :
par
Gisèle Vanhese